Grande Guerre, le jour de gloire est arrivé !

RMNA – Saison 1 – Episode 4

Poursuivre ce voyage, que dis-je ce parcours des combattants à travers ces quatre années terribles… Un voyage dans la Grande Guerre, mettre à l’honneur tous ces soldats venus du bout d’un monde proche ou lointain se battre à nos côtés au prix de leur vie…

J’aurais voulu n’en oublier aucun mais la gageure est de relier tous ces hommes à ma généalogie. Je n’ai pas assez d’éléments pour poursuivre et ceux en ma possession ne sont pas assez fiables. N’oublions pas non plus que si cette guerre est dite « mondiale » tous les pays ne se sont pas engagés.

Certains membres de la famille Mac Donell ont émigré en Argentine, ce pays reste neutre jusqu’à la fin de la guerre. Quelques-uns résident en Italie, en Espagne, mais ils sont peu nombreux et en l’état actuel de mes recherches, je ne dispose d’aucun élément les concernant pour cette période. Quant à ceux demeurant sur notre sol, ils sont trop proches à mes yeux pour en parler, je préfère laisser ce soin à leur descendance.

Alors j’évoquerai ce dernier jour de guerre en cette année 1918. Ce jour où les armes se sont tues, ces minutes emplies de silence, ces quelques secondes avant de réaliser que la délivrance et là ; la guerre est finie et le monde recommence à respirer.

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Le Figaro – 12 novembre 1918

« Le jour de gloire est arrivé » titre le Figaro à la date du 12 novembre 1918. En effet, quatre  ans après  l’entrée en  guerre de  la France et de  ses alliés, l’armistice  est signée au  petit  matin  dans  un  train  à Rethondes le 11 novembre 1918 à 5 h 15, le cessez-le-feu est effectif à 11 h 00. Alors les armes se taisent….

Nous recommençons à vivre des heures où l’on ne tue plus. A 12 h 00, les cloches de France sonnent. Non pas le tocsin comme en 1914 au moment de la mobilisation, aujourd’hui ce sont des cloches d’allégresse, elles sonnent à la volée en ce jour de victoire.

Dans les villes et les campagnes, c’est jour de liesse ! Une explosion de joie ! Toutes affaires cessantes, la foule est dans la rue. On quitte sa tâche, et partout des cortèges se forment à travers les rues. Les drapeaux pavoisent aux balcons, on embrasse les soldats, on entonne la Marseillaise dans l’euphorie générale. Le soir, la fête se poursuivra… Bals, concerts, retraites aux flambeaux…. Il n’est plus temps de pleurer ! A Londres, à New-York et ailleurs, la foule s’embrase.

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Le Figaro – 12 novembre 1918

Dans les tranchées et sur le front, l’enthousiasme semble plus modéré, la joie moins bruyante.

 « Tout le monde est content mais triste : la mort plane encore dans l’air » Une grande délivrance, mais après ? (1) 

 

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Un autre témoignage :

« A voir ici un soldat, on ne dirait pas que la guerre est finie. » Sa joie est contenue, il ne lui donnera libre cours qu’une fois rentré chez lui, dans une paix « pleine et entière » pour laquelle il a lutté pendant plus de quatre ans. (1)

Certains diront :

 « Ceux qui font la fête là-bas ne sont pas ceux qui l’on gagnée cette victoire, ou du moins il y en a bien peu ». (1) 

Cette guerre si longue, si meurtrière…. Le poids des vies sacrifiées pèse lourdement sur cette victoire. Justifie-t-elle toutes ses vies brisées ? Peut-on oublier 2 millions de prisonniers, 1,3 millions de morts, 300 000 mutilés, 760 000 orphelins ? (3)  Combien de veuves ? Combien de familles démunies d’un frère, d’un fils, d’un cousin, d’un époux, d’un oncle, d’un voisin. Des villages endeuillés, des histoires brisées. Rien n’effacera jamais, pas même la victoire, les chagrins de cette guerre qui a fait plus de morts et de destructions que toutes les guerres.

Quatre ans à attendre, attendre une lettre, attendre une permission, attendre le retour, attendre la fin de cette maudite guerre, un espoir sans fin…

La démobilisation se fera en deux temps, de novembre 1918 à avril 1919 puis de juillet 1919 à début 1920. Cinq millions d’hommes à démobiliser, ce n’est pas une mince affaire et chaque soldat sait que le retour à la maison ne sera pas immédiat. (4)

Attendre encore et encore. Attendre le retour des prisonniers, et quid des disparus. Certaines familles attendront longtemps, trop longtemps… Il n’y a qu’à regarder les dates de transcription de décès des soldats morts pour la France. (5)

Attendre le retour de son homme, vivant mais dans quel état ? Traumatisé, blessé dans ses membres, blessé dans son âme ? Quatre ans dans les tranchés avec ses frères d’armes, comment reprendre le cours d’une vie là où on l’a laissé ? Quatre ans sous le feu, dans la boue. Se souvenir ou oublier ? Raconter ou se taire ? Faire le deuil des copains morts sur les champs de bataille…. Faire le deuil des horreurs…. Combien encore de combats intérieurs pour retrouver le goût de vivre ?

Pour certains, retrouver des enfants que l’on a si peu connus. Pour d’autres, retrouver une épouse qui ne vous attend plus, des enfants dont vous n’êtes pas le père… Le nombre de divorce a triplé entre 1915 et 1920 (4). Simplement retrouver sa place…

Retour des infirmes, des mutilés, des gueules cassées, comment réapprendre à vivre, comment se faire une autre vie sans sombrer, dans la folie, l’alcool, et parfois la tentation d’attenter à ses jours.

Retour des civils, des réfugiés dans des régions saccagées qui ne sont plus que champs de ruines, champs de croix, les blés n’y pousseront plus.

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Retour des corps, dire au revoir en famille à l’être aimé mort si loin de son village, qu’il repose auprès de ses anciens et l’honorer. La restitution et le transfert des corps aux frais de l’Etat débutent en 1920 pour se poursuivre jusqu’en 1924. (6)

11 novembre 1918 teinté de tristesse et d’amertume, et l’écriture de Roland Dorgelès en fait si bien l’écho :

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Extrait des Croix de bois 1919 – Roland DORGELES (1885 – 1973)

Une paix si fragile…  Cette guerre ne sera pas la « der des der ».

 

Sources :

(1) Extraits Les poilus ont la parole : dans les tranchées : lettres du front, 1917 – 1918 – Jean Nicot – Editions Complexe – 1998 et 2003

(2) Extrait Paroles de Poilus – Lettres et carnets du front – 1914-1918 – Librio

(3) Histoire par l’image :  https://www.histoire-image.org/etudes/meurtrissures-grande-guerre?language=de

(4) Franceinfo – Pourquoi l’armistice du 11 novembre 1918 n’a pas (vraiment) mis fin à la guerre

(5) Mémoire des hommes :  http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/arkotheque/client/mdh/base_morts_pour_la_france_premiere_guerre/index.php

(6) Sépultures des poilus – Le transfert des corps des militaires de la Grande Guerre – Alain Raoul – 2015

 


4 réflexions sur “Grande Guerre, le jour de gloire est arrivé !

  1. En ce 11 novembre 1918, le bilan est mitigé, on célèbre la fin de la guerre et on reste sur la retenue face à toute l’horreur des dernières années… bravo pour cette saga

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  2. En quelques mots, tu as su transcrire cette fameuse journée du 11 novembre 1918. Comment un conflit si dramatique, une véritable boucherie qui fera des millions de mort, peut s’arrêter d’un coup ? « A 11h, tout s’arrête, c’est incroyable… » comme le dit si bien Eugène.
    Ton texte est saisissant !
    Merci en tout cas de nous avoir fait voyager tout au long de ce premier #RMNA !

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  3. La lumière, les couleurs et les chants joyeux entrent enfin dans l’existence de ceux qui ont survécu à l’angoisse de la Grande Guerre. N’oublions pas les larmes et le bilan de ces années dont personne ne revient intact.
    Voilà un beau récit pour clore ce #RMNA !

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