Une vie ensemble, Adolphe et Edouard DUVEAU…

Il est des familles surprenantes, passionnantes, voire omnubilantes…. La lignée GUYOT – DUCLOS GUYOT en fait partie et aucun d’entre eux n’échappera à mes recherches. Mon sujet de ce jour : Jean Alexandre Christophe GUYOT sieur du Clos (Sosa 506) et son épouse Françoise Charlotte COSSON (Sosa 507). Jusqu’où vont-ils m’emmener ? Un parcours en ligne droite ou de sinueux méandres qui pourraient rendre mes propos un peu confus, un peu touffus ?

Leur fille Anne Charlotte Mélanie (Sosa 253) épouse en 1788 Jean Antoine René DUVEAU (Sosa 252) (1). Je m’intéresse à chacun de leurs enfants et aujourd’hui à Adolphe Louis né en 1800, fils de ferblantier, il deviendra horloger (2). Le 12 novembre 1835, il épouse Anne Marie PEYNAUD dite « Nanine » (3). Tous deux sont nés à Saint-Malo. Si Adolphe Louis décède dans la cité corsaire le 1er février 1871 âgé de 70 ans (4), Anne-Marie rend l’âme le 30 mars 1876 à Rouen (5), à 66 ans, en son domicile 10, cours des Minimes. Allons bon ! Pourquoi Rouen ? Cherchons du côté de sa famille.

Son père, Jacques François PEYNAUD, lieutenant d’artillerie de marine, professeur de dessin, peintre, architecte s’éteint à Saint-Malo le 6 février 1829 (6). Sa mère Catherine Anne GAUTTIER trépasse le 18 mars 1854 à Rouen à son domicile 2 rue des Minimes (7) . Deux sœurs d’Anne Marie décèdent également à Rouen. Emérancienne Marie PEYNAUD, le 5 juillet 1882 (8) et Clémentine Marie le 17 septembre 1888 (9), l’une et l’autre 2 bis rue des Minimes.

On peut supposer qu’après le décès de son époux, Anne Marie PEYNAUD, l’épouse d’Adolphe Louis DUVEAU quitte Saint-Malo, s’établit à Rouen pour se rapprocher de ces deux sœurs Emérancienne et Clémentine. Un copier coller comme sa mère, après son veuvage, direction Rouen.

Les recensements de Rouen, le premier en 1881, et Saint-Malo 1866 et 1896, ne me donnent pas d’indice quant à la date de venue d’Anne-Anne à Rouen, les créneaux des dates proposées ne présentent pas d’intérêt. Sachant que son époux décède à St Malo en 1871, il aurait été nécessaire de travailler, sur les deux communes entre 1871 et 1876.

Les enfants vont peut-être m’en apprendre plus. Louis Adolphe DUVEAU et Marie Anne PEYNAUD auront trois enfants natifs de Saint-Malo :

  • Un enfant mort né en 1836 (10).
  • Adolphe Marie né le 29/11/1837 (11).
  • Edouard Marie né le 18/04/1839 (12).

Adolphe Marie restera célibataire. Édouard Marie épouse le 20 mai 1870 Julie Caroline PELTZ, à Cagliari, Sardaigne. Chance ! Cette union est retranscrite dans le registre des mariages de Saint-Malo (13) : « Le présent acte et la présente traduction ont été transcrits sur ce registre, ce jourd’hui le vingt-sept du mois de mai mil huit cent soixante dix, à onze heures du matin, sur la demande de M. DUVEAU. »

(Le site ANTENATI m’indique que l’Archive d’État de Cagliari conserve les registres d’état civil et leurs index alphabétiques pour la période 1866-1929, mais ils ne sont pas numérisés à ce jour).

La transcription de ce mariage nous apprend qu’Édouard est ingénieur minéralogique, domicilié à Cagliari. Julie Caroline est née et domiciliée à Cagliari, son père Charles PELTZ horloger (tiens donc, comme le père d’Édouard) et sa mère Pierrette USAI sont établis à Cagliari. Mais que peut bien faire Edouard Marie DUVEAU à Cagliari me dis-je ? Question mise immédiatement dans ma FAQ famille DUVEAU Rouen, on y répondra ou pas plus tard.

J’avance et je travaille sur les enfants du couple Edouard Marie DUVEAUJulie Caroline PELTZ.

Ils seront six :

Emilie Caroline née en 1873 à Cagliari – Source : recensements de Rouen en 1911 (14) et 1921 (15). Elle est dite italienne en 1921, française en 1911 – Sa mère est déclarée italienne sur les deux recensements.

Jules Adolphe Marie né le 28 octobre 1875 à Cagliari – Source naissance : fiche matricule – AD 76 (16).

Charles Edouard né le 17 décembre 1877 à Rouen – Source : Registre d’état civil Rouen – AD 76 (17).

Alexis Maxime Georges né le 23 décembre 1880 à Rouen – Source : Registre d’état civil Rouen – AD 76 (18).

Gabrielle Nanine Pierrette née le 6 mars 1887 à Rouen – Source : Registre d’état civil Rouen – AD 76 (19).

Raymond Henri né le 31 mai 1891 à Rouen – Source : Registre d’état civil Rouen – AD 76 (20).

Donc jusqu’en 1877, la famille est installée à Cagliari, ville côtière et capitale de la Sardaigne.

Tous les documents d’état civil de Rouen relatifs aux deux frères, Adolphe Marie et Edouard Marie DUVEAU m’indiquent qu’ils sont l’un et l’autre Ingénieur civil. Édouard, d’ingénieur minéralogique devient ingénieur Civil. Pourquoi et comment ? Encore une question pour ma FAQ famille DUVEAU.

Mais tout d’abord, qu’est-ce qu’un ingénieur civil ?

Pour faire bref, ci-dessous une définition qui semble répondre à l’activité professionnelle des deux frères :

« Dans le cadre de son travail, l’ingénieur civil a pour rôle de concevoir, exploiter, planifier et superviser des travaux et des chantiers, pour le compte d’une entreprise privée ou de la fonction publique. Ses travaux doivent se faire en prenant en compte les dimensions environnementales, sociales et économiques d’un projet. Ses tâches sont ainsi de contribuer à la conception de plans de concert avec les architectes, de gérer des projets majeurs de construction, réfection ou rénovation, d’établir des normes de sécurité, d’effectuer des tests, de déterminer les matériaux nécessaires à la réalisation des travaux et de valider les différents calculs nécessaires à la mise en place d’un chantier (21) ».

La curiosité me tenaille, Je vais bien trouver quelques informations sur leur parcours, leur vie professionnelle. Il en reste certainement quelques traces ici ou là. Me voilà partie pour une période de fouilles ; je me fais l’archéologue des deux frères avec pour outil l’océrisation.

Mon terrain en premier lieu, le site des Archives départementales de la Seine-Maritime. Coup de chapeau et coup de cœur ; le site propose une recherche transversale particulièrement efficace.Cerise sur le gâteau le Journal de Rouen est numérisé, avec une rechercher plein texte. Je n’ai pas fait une requête très fine, j’ai simplement recherché le patronyme « DUVEAU » sans indiquer de date. Je vous épargne quelques « du veau » « veau ». Le résultat ne s’est pas fait attendre. Non contente d’obtenir des informations sur les travaux des frères DUVEAU et fils, à travers le Journal de Rouen, se déroule entre 1876 et 1947, la vie de la famille. Vie professionnelle, loisirs, vie sociale, scolarité des enfants et petits enfants d’Edouard Marie DUVEAU.

Etablir un catalogue des articles issus du Journal de Rouen n’apportera rien. Les publications les plus significatives dans chacun des domaines retenus viendront étayer ce que j’apprends au fur et à mesure de mes recherches.

Hors le site des AD 76, comme à l’habitude, je fais une recherche dans Gallica à partir du patronyme « DUVEAU« . En ligne un bulletin de la Société Libre d’Émulation du commerce et de l’industrie (22). Il s’agit d’une notice biographique consacrée à Adolphe et Edouard DUVEAU. Cette notice est assez détaillée, à moi de collationner, autant que faire se peut, des preuves ou des traces de ce qui est annoncé.

Cette biographie nous apprend que leur mère Anne-Marie PEYNAUD, pour des raisons inconnues, passe plusieurs années en Allemagne, ses deux jeunes fils l’accompagnent. Elle s’établit à Weinheim dans le grand duché de Bade. Les deux garçons font donc le début de leur scolarité au collège de Weinheim. Ils maîtriseront la langue de Goethe sans difficulté. Pour quelle raison cet exil en Allemagne ? Un grand mystère pour ma FAQ…

Si sur le net je ne trouve aucun élément sur cette période en Allemagne que je fixe arbitrairement, après la naissance de son deuxième enfant, soit de 1839 à 1860, plus ou moins une vingtaine d’années. Pour en savoir plus, je consulte les recensements de Saint-Malo. Ceux-ci sont disponibles et numérisés pour les années 1846 – 1851 – 1856 et 1866.

Effectivement, les enfants et leur mère sont absents des recensements étudiés.

1846 – Saint – Malo – Le père, Adolphe Louis DUVEAU habite rue des Cordiers, seul et sans domestique. Il est horloger.

Source : AD 35 – 11 NUM 35288 3 – Recensement de population – Liste nominative – 1846

1851 –  Saint-Malo – Adolphe Louis DUVEAU, de nouveau seul est domicilié rue des Cordiers

Source : AD 35 – 11 NUM 35288 4 – Recensement de population – Liste nominative – 1851

En 1856 – Saint-Malo – Adolphe Louis, horloger, encore seul, habite seul rue des Cordiers.

Source : AD 35 – 11 NUM 35288 5 – Recensement de population – Liste nominative – 1856

En 1861 -Saint-Malo, Adolphe Louis, toujours seul habite rue Sainte-Anne.

Source : AD 35 – 11 NUM 35288 6 – Recensement de population – Liste nominative 1861

En 1866 – Saint-Malo, aucune trace d’Adolphe Louis dans ce dernier document pourtant, il devrait pourtant s’y trouver puisqu’il ne décède qu’en 1871. Je ne dispose pas de recensement à Saint-Malo entre 1866 et 1871 et le premier recensement numérisé pour Rouen est en 1881. Je ne sais donc pas où se trouve Adolphe Louis. Je peux simplement conclure avec certitude qu’entre 1846 et 1861, soit pendant 15 ans, notre individu vit seul, sans son épouse et ses enfants. Il ne figure pas non plus dans les tables de successions et absences de 1870 à 1875 pour Saint-Malo. Son acte de décès mentionne qu’il décède rue des Grands degré, en son domicile, sans plus de précisions. Rue des Grands degrés où vivent également les enfants de son frère Louis Constant DUVEAU, mais il ne s’y trouve pas. Où s’est volatilisé Adolphe Louis DUVEAU entre 1866 et 1871 ? Encore une question pour ma FAQ.

Revenons à notre notice biographique, en 1853, les enfants, Adolphe Marie et Edouard Marie sont admis à l’École polytechnique grand-ducale de Karlsruhe. Ils ont respectivement 16 et 14 ans, ils en sortent en 1858. Adolphe Marie débute dans l’atelier de constructions métallurgiques des frères Schmaltz à Offenbach. Édouard Marie se destine à une carrière d’ingénieur des Mines, il entre à l’Académie des mines de Freiberg en Saxe. Pas de traces sur le net.

En 1860, les deux frères âgés l’un et l’autre 21 et 23 ans rentrent en France pour satisfaire leur obligation militaire et se présentent devant le conseil de révision. Ils sont tous deux exemptés. Adolphe Marie pour une myopie importante, Edouard Marie pour un défaut d’articulation du pouce de la main gauche, dixit l’auteur de la notice biographique des frères DUVEAU.

Une vérification s’impose mais sans succès. Ils ne se trouvent pas dans les registres du contingent 1859/1863 pour la subdivision de Saint-Malo en ligne mais probablement dans les documents non numérisés de la série R Affaires militaires – Préparation militaire  et recrutement de l’armée. A tout hasard, je cherche à  Rouen ; rien de numérisé avant 1867.

Adolphe Marie reçoit de son oncle Edmond PEYNAUD, frère de sa mère, manufacturier à Charleval-sur-Andelle, (Usine de la Viel, filature) la proposition de venir diriger l’installation de ses nouveaux établissements. Il accepte et reste sur place pendant 4 ans pour rejoindre ensuite sa mère Anne-Marie PEYNAUD à Rouen. Adolphe Marie met un pied dans l’industrie textile.

De 1864 à 1866, participe à la construction des Établissements de la Société cotonnière de Saint-Etienne-du-Rouvray, manufacture importante de filage et tissage du coton, 90 000 broches et 563 métiers à tisser.

En 1876, après le décès de sa mère Anne Marie PEYNAUD, Adolphe Marie propose à son frère Edouard Marie de participer à ses affaires. J’apprends qu’Edouard Marie est depuis 1861, ingénieur des mines en Sardaigne dans un centre d’extraction et d’exploitation de zinc et de plomb argentifère dont il était devenu directeur. Edouard Marie accepte, et se rend avec femme et enfants à Rouen où il s’établit. Les deux frères collaboreront jusqu’en 1910 et s’adjoindront leurs deux neveux et fils Charles Edouard et Alexis Maxime Georges, l’un et l’autre ingénieur civil et architecte.

L’auteur de notre biographie répertorie un grand nombre d’entreprises pour lesquelles les frères DUVEAU ont mis en œuvre leurs compétences. Plutôt que de le lister, j’opte pour un nuage et j’effectue quelques recherches sur le net ; beaucoup n’ont laissé aucune trace si ce n’est dans Gallica. Celles qui subsistent, sont les usines qui laissent un patrimoine industriel toujours visible, bâtiments, cheminées…

Ces quelques recherches m’apprennent très vite que toutes ces entreprises appartiennent principalement à l’industrie textile et à ses métiers connexes.

La carrière des frères DUVEAU à Rouen s’étale des années 1864 à 1910. Ils débutent leur carrière principalement sous le Second Empire, il est alors intéressant de replacer leur parours professionnel dans son contexte.

Le développement de l’industrie cotonnière au cours du 18ème siècle a fait de Rouen et de la Saine-Inférieure l’une des régions manufacturières les plus actives de la France et même de l’Europe. Sous le Second Empire, cette région reste encore en tête des départements cotonniers, devant le Haut-Rhin, le Nord et l’Eure.

Le filage et le tissage sont en Normandie des activités essentiellement domestiques et artisanales. C’est principalement une production rurale, pratiquée au sein du domicile familial, et vient souvent en complément aux activités saisonnières des champs. Le filage et le tissage se font essentiellement à bras, au domicile.

Si l’apparition de nouvelles machines venues de Grande-Bretagne et l’utilisation de la force hydraulique (peu coûteuse) ont, au début du 19ème siècle concentré la filature sur les chutes d’eau des petits affluents de la Seine, toutes les filatures et le tissage à bras constituent encore un tiers de la production en 1859. Le textile normand est constitué d’une multitude de petites manufactures aux capacités de production limitées.

Les voies de communication s’améliorent, avec l’arrivée du chemin de fer à Rouen en 1843 puis la création de la ligne Rouen – le Havre en 1847 favorisant l’arrivée du charbon anglais ; la vapeur peut s’imposer. Plus de 300 machines à vapeur sont installées jusqu’en 1845 bien que l’utilisation de la force hydraulique soit encore majoritaire.

En 1860, le 23 janvier, au grand dam des industriels français, est signé le Traité de libre échange avec la Grande-Bretagne : suppression des interdictions sur les importations, exemption des taxes aux frontières sur les matières premières et les denrées alimentaires, abaissement des droits de douane sur les produits manufacturés et le charbon. Ces mesures confrontent l’industrie cotonnière à la concurrence des manufactures anglaises équipée de procédés mécaniques. Pour leur survie, les sociétés françaises doivent se transformer. Si en 1860 la Normandie possède 1/3 de l’outillage cotonnier de la France et consomme la moitié du coton importé, elle montre cependant une grande vulnérabilité : outillage obsolète, structures et organisation désuètes, manque d’investissements et de capitaux.

Le gouvernement impérial ouvrit, par la loi du 1er août 1860, un crédit destiné à venir en aide aux industries les plus mal équipées. Aucune firme importante n’en fait la demande, les prêts profitant avant tout aux petites unités mal outillées qui n’ont pas les moyens de se moderniser. Les plus petites unités de production, encore nombreuses en Seine-Maritime, particulièrement vulnérables disparaissent progressivement laissant la place aux filatures les plus importantes capables d’investir, de s’équiper et d’augmenter ainsi leur capacité de production. En Haute Normandie, 75 filatures d’une taille moyenne inférieure à la normale, arrêtent leur production entre 1859 et 1869 pour ne plus jamais la reprendre. Inversement, les filatures importantes se font plus nombreuses. Il subsiste encore de nombreux métiers à bras en 1870, mais ceux-ci sont inéluctablement condamnés à disparaître. L’intensification et l’accélération de l’industrialisation sont en marche.

En 1861, La guerre de Sécession (1861-1865) prive l’Europe du coton américain. Le prix du coton augmente et la matière première se raréfie avec pour corollaires : hausse des prix et spéculation sur les stocks. Les structures artisanales dans l’incapacité de s’adapter disparaissent non pas au profit des plus fortes, mais des plus prévoyantes. Les affaires ralentissent et les industriels peinent à prendre la décision d’investir quand l’avenir s’annonce incertain. La reprise se fait sentir vers 1864 et les plus grands établissements récents, bien outillés et bien organisés montrent des signes de reprise. La fin de cette crise coïncide avec la fin de la guerre de Sécession et met un terme à la baisse des cotons. Les séquelles de cette guerre se ressentent cependant jusqu’à la fin du Second-Empire.

L’industrie textile subira encore une crise qui débute à l’automne 1866 pour se terminer à l’automne 1867. La baisse du prix des cotons conjuguée à une surproduction fait vaciller le textile. Les effets de cette crise s’aggravent face au à la cherté de la vie et donc à la diminution du pouvoir d’achat. Les industriels y répondent en appliquant des baisses de salaires et des mesures de chômage.

La perte de l’Alsace en 1871 donnera l’opportunité au textile normand de se redresser, mais seules les entreprises à la pointe du progrès et de la mécanisation résisteront et, dans les années 1880, nombre d’établissements seront vendus.

Durant toutes ces années, ces évolutions en taille et en équipement nécessitent de repenser le bâti. Largement utilisé dans l’architecture, le bois se révèle peu compatible avec l’utilisation des premières machines à vapeur dans l’industrie textile. La multiplication des incendies dans les usines incite les industriels à édifier des bâtiments d’un genre nouveau inspiré d’Outre-Manche. Charpente en fer, poutres en fonte, utilisation de nouveaux matériaux font aussi évoluer cette architecture industrielle. L’utilisation de ces nouveaux matériaux permet la construction de bâtiments de plus grandes dimensions et de plusieurs étages. La brique remplace largement le pan de bois ; l’appareillage énergétique se complique avec des machines à vapeur destinées à secourir les insuffisances de l’hydraulique (23).

Au cœur de ses bouleversements, les frères DUVEAU participent à de nombreux chantiers d’implantation ou de transformation d’usines textiles principalement situées à Rouen et dans le département. Les travaux comportent non seulement la construction en maçonnerie, la charpente et tous les aménagements nécessaires, mais aussi l’installation des machines et générateurs à vapeur, des turbines, dynamos électriques, transmissions, éclairage, canalisation d’eaux, forages de puits si nécessaire.

Adolphe Marie et Edouard Marie DUVEAU participeront aux travaux suivants :

  • Le grand hangar de l’usine de l’Alun romain à Lescure.
  • Le grand atelier des chantiers de Normandie, de 30 mètres de portée.
  • Le grand hangar des chantiers de construction Renaux et Bonpain de 30 mètres de large et son déplacement. d’une dimension de 50 m x 30 m, d’un poids de 150 000 kg, déplacement de 53 mètres.
AD 76 – JPL 3_204 – Journal de Rouen – 18/02/1893
AD 76 – JPL 3_236 – Le Journal de Rouen – 16/04/1909

On notera également l’appareil conçu par Edouard Marie DUVEAU pour l’établissement des bains en pluie du quai de France à Rouen.

AD 76 – JPL 3_223 – Le Journal de Rouen – 10/07/1901

A côté des constructions industrielles, les frères DUVEAU réalisent d’autres types de travaux tels que : écoles, salles d’asile, crèches, hôpitaux, fermes, bâtiments ruraux, ponts, magasins, canalisations d’eau pour des villes du département et de l’Eure. Maison d’habitation. Notamment les constructions du Collège de Normandie et son approvisionnement en eau situé à Mont-Cauvaire. Il est dit qu’à la suite de cette réalisation, le Ministre de l’Instruction publique décerna à Edouard DUVEAU les palmes académiques. Ce point reste à vérifier.

AD 76 – JPL 3_218 – Journal de Rouen – 03/06/1900
AD 76 – JPL 3_224 – Journal de Rouen – 23/05/1903

Les frères DUVEAU trouvèrent cependant le temps de s’investir dans de nombreuses activités liées aux arts, à la science et à la technique.

En 1866, Adolphe fut élu membre de la Société Linnéenne de Normandie.

En 1868 il est membre de la Société d’Émulation du commerce et de l’Industrie puis membre honoraire en 1911 – Il est adhérent à la Société Industrielle et à la Société des Amis des Sciences Naturelles. Il est est administrateur du refuge de Grand-Quevilly.

AD 76 – JPL 3_276 – Journal de Rouen – 22/12/1942

Lors de son décès, il lègue six mille francs à la Société libre d’Émulation du Commerce et de l’Industrie pour fonder un prix annuel de deux cent francs à attribuer à un ouvrier du bâtiment méritant et ayant une famille nombreuse, habitant en Seine-Inférieure » (Seine maritime aujourd’hui).

En 1912, à l’approche du cinquantenaire de son cabinet d’ingénieur, une pétition de plus de 200 signataires est adressée au Ministère du Commerce et de l’Industrie pour qu’il lui soit accordé la Légion d’honneur. Touché par cette marque d’estime, il la refusa néanmoins, nous apprend son biographe.

Edouard Marie DUVEAU, comme son frère, participa aux travaux des sociétés savantes et artistiques dont il était membre. Rouennais d’adoption, les trésors artistiques de la ville étaient pour lui sujet d’études. Il a laissé de nombreux dessins et études, numérisés et répertoriés sur le site des AD 76. Sous la cote 45 fi. Il existe également un fonds DUVEAU, malheureusement non numérisé. C’est un don fait par une petite-fille d’Edouard Marie DUVEAU en 2003 et complété en 2005. 11 albums de dessins, des calques, des planches et des brochures ainsi qu’un dossier biographique. (Par mail, j’ai demandé copie aux Archives de ce dossier biographique, pas de réponse à ce jour).

Membre de la Société des Amis des monuments rouennais, Edouard Marie DUVEAU publia de nombreuses études.

AD 76 – JPL 3_222 – Journal de Rouen – 02/05/1902

En 1908, il est nommé membre de la Commission départementale des Antiquités.

AD76 – JPL 3_273 – Journal de Rouen – 15/02/1941

En 1880, il est membre de la Société libre d’Émulation. Il y fut trésorier en 1900 et ce pendant 14 ans.

AD 76 – JPL 3_226 – Journal de Rouen – 25/01/1904

En 1905, il est vice-président puis archiviste de Société des Architectes de la Seine-Inférieur et de l’Eure.

AD 76 – JPL 3_251 – Journal de Rouen – 07/12/1914

La Société normande de Géographie, la Société normande de Gravure, la Société des Amis de l’Université de Normandie, la Société Rouennaise des Bibliophiles, la Société du Vieux Rouen comptaient également Edouard DUVEAU parmi leurs membres.

Président de la Société des Amis des Monuments Rouennais de 1905 à 1907, il est nommé ensuite en 1908 membre de la Commission Départementale des Antiquités.

A diverses occasion, la famille est citée dans le Journal de Rouen. J’apprends ainsi que la famille est mélomane, les enfants, les épouses et les petits- enfants n’hésitent pas à mettre leur talent au service de manifestations rouennaises.

Outre le caractère purement informatif de ces encarts, ceux-ci sont précieux et ont été d’une grande aide pour compléter la descendance rouennaise d’Edouard Marie DUVEAU. Son dernier fils Raymond Henri époux de Georgette Adrienne CREVIER aura 4 filles.

Descendance Edouard Marie DUVEAU – Julie Caroline PELTZ

Les deux frères décèdent la même année, à un mois d’intervalle. Edouard Marie le 13 juin 1917, Adolphe Marie le 22 juillet 1917. Comme si vivre l’un sans l’autre n’avait plus de sel ! Leur vie était intimement liée et pour cette raison je ne pouvais pas les dissocier.

Ils ont travaillé ensemble pendant de longues années très certainement en parfaite harmonie. Industrieux ils ont œuvré pour l’amour de l’art me semble-t’il. Sur leurs pas, de Saint-Malo à Rouen en passant par l’Allemagne et la Sardaigne, ils ont conduit mes recherches. Si celles-ci furent fructueuses, quelques questions demeurent sans réponse et certains points ne sont pas vérifiés. Mais surtout, j’aurais tant voulu savoir pour quelle raison Adolphe et Edouard ont vécu leur enfance loin de leur père ? Une part de mystère qui fait peut-être le charme de la généalogie…

SOURCES :

(1) AD 35 – Saint-Malo – 10 NUM 35288 553 – 1788 – Mariages – Commune

(2) AD 35 – Saint-Malo – 10 NUM 35288 641 – 1799/1800 – Naissances – Commune

(3) AD 35 – Saint-Malo – 12 NUM 35288 24 – 1835 – Catholicité BMS – Commune

(4) AD 35 – Saint-Malo – 12 NUM 35288 851 – 1871 – Décès – Greffe

(5) AD 76 – Rouen – 3 E 999 – 01/01/1867-31/03/1876 – Décès

(6) AD 35 – Saint-Malo – 10 NUM 35288 484 – 1829 – Décès – Commune

(7) AD 76 – Rouen – 3E 999 – 01/01/1854-31/03/1854 – Décès

(8) AD 76 – Rouen – 3E 999 – 31/07/1882-30/09/1882 – Décès

(9) AD 76 – Rouen – 4E 11202 – 23/08/1882-29/09/1888 – Décès

(10) AD 35 – Saint-Malo – 12 NUM 35288 56 – 1836 – Catholicité BMS – Commune

(11) AD 35 – Saint-Malo – 10 NUM 35288 627 – 1837 – Naissances – Commune

(12) AD 35 – Saint-Malo – 10 NUM 35288 629 – 1839 – Naissances – Commune

(13) AD 35 – Saint-Malo – 10 NUM 35288 929 – 1871 – Mariages – Greffe

(14) AD 76 – Rouen – Recensement 1911 – 2ème canton – 6 M 562

(15) AD 76 – Rouen – Recensement 1921 – 2ème canton – 6 M 616

(16) AD 76 – 1R2989 – Matricules militaires – Rouen Nord – Cl 1895

(17) AD 76 – Rouen – 3E 999 – 01/10/1877-31/12/1877 – Naissances

(18) AD 76 – Rouen – 3E 999 – 01/10/1880-31/12/1880 – Naissances

(19) AD 76 – Rouen – 3E 999 – 22/03/1887-31/03/1887 – Naissances

(20) AD 76 – Rouen – 4E 11545 – 22/05/1891-30/06/1891 – Naissances

(21) Site internet Génie-inc https://www.genie-inc.com/article/834/un-ingnieur-civil-a-fait-quoi

(22) GALLICA – Bulletin de la Société libre d’émulation du commerce et de l’industrie de la Seine-Inférieure – Société libre d’émulation de la Seine-Maritime – Rouen – 1916

(23) Claude FOHLEN – L’industrie textile au temps du Second Empire – Paris – Librairie Plon – 1956 (Achat version numérisée)


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