Marie Bastard, la première épouse…

René Nicolas LEMESLE n’est plus aujourd’hui un énigmatique ancêtre (ICI) mais qu’en est-il de sa première épouse Marie BASTARD (BÂTARD, LE BASTARD) ? De persistants silences et de multiples interrogations accompagnent mes premières recherches dans les registres d’Angers et de Nantes. Recherches toujours menées à quatre mains.

Que sais-je d’elle ? Rien ou si peu….. Si j’ai trouvé l’acte de naissance de son époux, le sien demeure bien caché et son année de naissance reste imprécise, 1698, 1699, 1700… je n’ai pas trouvé non plus l’acte de mariage du couple. Alors je scrute, je cherche le moindre document porteur d’une piste où s’exercera ma sagacité.

Le 17 juin 1743 René Nicolas LEMESLE et son épouse, postérieurement à leur mariage, se font une donation mutuelle devant Maître Lamy, notaire à Nantes. ils se font don mutuel égal et réciproque du plus vivant au survivant. Ils n’ont donc pas fait de contrat de mariage et le couple n’a pas d’enfants. Sans connaître précisément l’âge de Marie BASTARD, on peut dire que les époux ont, l’un et l’autre, plus de 40 ans. Cependant quelques brèves lignes évoquent les dispositions à prendre en cas de naissances au sein du couple : « A charge pour le survivant de leur donner l’éducation convenable à leur état ».

Don mutuel René Nicolas Lemesle – Marie Bastard – Nantes – 4 juin 1743 (1)

Huit mois après ce don mutuel, le premier février 1744, Marie BASTARD, qui n’a pas à être autorisée par son époux, sentant probablement sa mort prochaine, requiert les services de Maître Lamy pour rédiger et enregistrer son testament. Marie est détenue dans son lit de maladie corporelle mais saine d’esprit et d’entendement dixit notre notaire. Marie décédera le 19 février 1744 à Doulon.

Acte d’inhumation Marie BASTARD – Doulon – 1744 (2)

La demoiselle consacre la première partie de son testament (3) à des dispositions religieuses, funérailles, services et messes. Bonne chrétienne Marie désire le royaume des cieux et la vie éternelle. Elle recommande son âme à Dieu, à la bienheureuse Vierge Marie sa patronne, sans oublier tous les saints et saintes du paradis qu’elle prie et intercède pour elle afin d’obtenir la rémission de ses péchés. Je n’évoquerai pas le nombre de messes basses ou chantées qu’il y aura lieu de célébrer après son décès. Son corps devra être inhumé dans l’église des Révérends Pères Carmes de Nantes. Charité bien ordonnée commence par soi-même.

Marie est aussi partageuse ; que les religieux et religieuses prient pour le repos de son âme, mais aussi pour ses père, mère, parents et amis. Pour cela, les sommes données en prières et en messes seront prises sur la part de la communauté, elle prie son mari de ne pas s’y opposer. Elle fait quelques dons sonnants et trébuchants au grand couvent des Capucins, aux Jacobins et aux Minimes.

Ses dons et legs se répartissent ainsi :

  • 500 livres aux Jacobins soit l’équivalent de 5 638,00 €
  • 500 livres aux Minimes soit l’équivalent de 5 638,00 €
  • 500 livres aux dames de Sainte Claire soit l’équivalent de 5.638,00 €

Ce qui fait un total de 2000 livres soit environ 22.553 € d’aujourd’hui si j’en crois le convertisseur de monnaies anciennes proposé par Geneanet.

A cela, elle ajoute 500 livres que son exécuteur testamentaire devra distribuer aux pauvres de la ville ou  autres endroits qu’il jugera a propos et a son choix, sans qu’il puisse être assujetti a rendre aucun compte de l’emploi de ladite somme s’en reposant sur sa probité.

Ce n’est pas tout ! Marie BATARD fait don aux Dames de Sainte Claire de la moitié de ses robes et joyaux et l’autre moitié à la Communauté des Grands Capucins de Nantes. Toutes lesdites robes composées de six robes et six jupons, et pour les joyaux de deux boucles d’oreilles et deux diamants fins, Marie me semble peu dépensière en toilettes et bijoux.

Enfin, il sera fait don d’un morceau de toile de damas blanc et pièces pour être employé en devant d’autel ou autre ornement pour la chapelle du Rosaire, paroisse d’Héric (44).

Nous arrêtons là pour les bonnes œuvres. Il y a fort à parier que son époux René Nicolas LEMESLE s’est probablement offusqué de la générosité de son épouse, femme pieuse sinon dévote.

A Marie Tessier, il sera légué deux jupes d’étoffe. A la demoiselle épouse du Sieur Frelier six de ses coiffes à dentelle et trois robes de canadarie et de sirsaca (4). (Ces mots désuets et mystérieux m’enchantent, il fallait que je les écrive…. )

Marie BATARD donne et lègue à demoiselle Jeanne LE TOURNOUX, fille de Louis LE TOURNOUX :

  •  Six coiffes à dentelles.
  • Un corset et sa jupe brodée.
  • Une robe brodée en laine et la jupe pareille.
  • Une demi-douzaine de paires de bas de soie.

Jeanne TOURNOUX ou Le TOURNOUX née le 18 mars 1734 est baptisée le 16 mars 1737 à Nantes, Saint Denis. Elle est la fille de Louis TOURNOUX, avocat, né à Héric (44) le 12 août 1702, marié le 14 janvier 1732 avec Jeanne de LAGRANGE, en l’église de Saint-Denis de Nantes. Il est avocat au parlement de Bretagne, conseiller du roi, procureur fiscal du doyenné de la Mée. Son acte de mariage en 1732, pas plus que l’acte de baptême de sa fille ne mentionne Marie BASTARD ou son époux.

En revanche, Louis TOURNOUX est cité comme témoin au second mariage de René Nicolas LEMESLE avec Jeanne BELLANGER le 16 mars 1745 à Nantes. Il est qualifié de « cousin par alliance de l’époux ».

Dans son testament Marie BASTARD nomme Louis TOURNOUX comme exécuteur testamentaire le qualifiant de cousin et l’un de ses héritiers. J’ai donc là deux indices, l’attachement de Marie BASTARD à la paroisse d’ Héric (44) et son lien de parenté avec Louis LE TOURNOUX né dans ladite paroisse.

Situation commune d’Héric

Une première recherche m’indique que le grand-père de Louis le TOURNOUX est Jean LE TOURNOUX et sa grand-mère Jeanne LE BASTARD. J’ai supposé que notre Marie BASTARD descendait d’un frère de Jeanne LE BASTARD. J’ai commencé par chercher l’acte de mariage LEMESLE/LEBATARD dans les registres d’Héric et dans les tables, mais rien. J’ai parcouru les registres de cette commune tentant de renouer les liens entre Marie BATARD et son cousin jusqu’à retracer la généalogie de ce dernier, Relever les naissances d’enfants nommées Marie LE BASTARD ou BASTARD n’a rien donné d’exploitable. Ces recherches furent vaines.

Marie n’indique aucun autre héritier dans son testament du 1er février 1743 qu’elle révoque subitement le 5 février 1744, « pour cause et justes raisons à elle connues » en ajoutant que pour ses dispositions elle se reposera sur ledit Sieur LEMESLE son mari à qui elle a confié ses intentions verbalement laquelle espère qu’il les exécutera. Monsieur LEMESLE aurait-il pris ombrage des largesses de son épouse ?

Je reste dans le flou ; je ne trouve pas mais j’élimine. Je sais que le couple ne s’est marié ni à Angers, ni à Nantes, ni à Château-Gontier, ni dans la paroisse de naissance de l’époux et ni à Héric. René Nicolas et Marie se seraient-ils unis au Cap ? Pourquoi pas, cherchons des traces de Marie BASTARD à Saint-Domingue.

Le 26 avril 1738, elle embarque au Cap, sur le Fort de Morlaix, navire de 400 tonneaux faisant voile sur Nantes. Le capitaine Jean Le Dépensier commande un équipage de 78 hommes et le navire atteint Nantes le 8 juin 1738. Le rôle de bord lui donne 40 ans, indiquant qu’elle est l’épouse de René Nicolas LEMESLE, on peut donc conclure que leur union est antérieure à 1738.

AD 44 – Rôles de bord – Juin 1738 – C 1315

Elle repart de Nantes le 15 juillet 1738 en embarquant sur Le Fort de Nantes pour se rendre au Cap où elle accoste le 26 août 1738. Lors de ce voyage elle est accompagnée de Perrine LEMESLE, certainement la dernière sœur de son époux. Le Fort de Nantes est un navire de 400 tonneaux commandé par Jean Le Dépensier. Le rôle de bord ne la mentionne pas lors du retour à Nantes.

AD 44 – Rôles de bord – février 1739 – C 1317

La connaissant un petit peu plus maintenant, Je ne peux pas m’empêcher de penser qu’elle était bien confiante pour s’embarquer et voyager aussi loin sans faire de testament avant son départ. Des prières ou l’aumônier du navire devaient l’accompagner les jours de gros temps !

Les rôles de bord consultés pour les années 1740, 1741, 1742 ne font pas mention d’un retour à Nantes de Marie BASTARD. Nantes n’est peut-être pas systématiquement le port de départ ou d’arrivée pour les voyages à Saint-Domingue de René Nicolas LEMESLE et de son épouse.

Marie BASTARD, qui ne voyage jamais en compagnie de son époux ne m’en dira pas plus et il faudra bien que je m’en contente. Ces différentes recherches m’ont permis de la cerner un tout petit peu plus mais sa naissance et son union demeurent des mystères ensevelis dans des pages bien fermées. Peut-être s’ouvriront-elles un jour…..

Sources :

(1) AD 44 – Nantes – Lamy Pierre – 4E 2/2106 – 36° – 1735-1763

(2) AD 44 – Doulon – BMS – 1744 – 3E 251/3

(3) AD 44 – Nantes – Lamy Pierre – 4E 2/2106 – 36° – 1735-1763

(4) Répertoire des tissus indiens importés en France entre 1687 et 1769

Chapitre : Les canadaris ou les caladaris

Chapitre : Les sirsakas, les systresoies

https://books.openedition.org/iremam/3857?lang=fr






2 réflexions sur “Marie Bastard, la première épouse…

    1. Merci Fanny, il faut que je m’habitue à ne pas avoir toutes les réponses à mes questions ! Mes recherches me laissent souvent sur ma faim… Et quant aux tissus j’ai apprécié de trouver d’abord les bons termes lors de la transcription puis d’effectuer quelques quelques recherches.

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