Le dernier fils, Hugh-Guion Mac Donell

 #RDVAnncestral – avril 2018

Aller à la rencontre du dernier fils Mac Donell, faire sa connaissance. Qu’est-ce que cela signifie ? Cette rencontre, à priori n’est pas très compliquée. Googeliser son nom m’offre rapidement nombre de biographies. J’y trouve, naissance, décès et carrière ; des faits, des dates et des lieux. Quelques photos pas très parlantes à mon goût. Je pourrais me contenter de ces éléments qui finalement résument une vie, mais tous donnent à voir la même chose et je reste sur ma faim. Une rencontre froide, sèche qui ne m’apprend rien quant à l’homme, enfin pas assez. J’aime quand une rencontre me questionne, me perturbe, me titille. Qu’elle m’incite à aller plus loin dans mes recherches, dans mes questionnements même si les doutes subsistent, même si les réponses restent incomplètes ; la réflexion suit toujours son chemin, et nous imprègne sans jamais nous lâcher. Nos ancêtres nous habitent.

Mais rencontrer c’est aussi entrer en relation avec un individu alors que traduire une vie en faits, dates et lieux me semble parfois bien réducteur. Redonner à nos ancêtres l’épaisseur ou le souffle qu’ils méritent. Pas besoin pour cela d’une vie exceptionnelle, les percevoir, les sentir, les appréhender au-delà des documents, les faire parler et chercher derrière. Ne pas s’attacher uniquement à ce qui nous parait évident ou exceptionnel. C’est un peu ce que nous offre, ce que j’appellerais cette « entrevue » mensuelle proposée par le Rendez-vous Ancestral. Une autre approche qui nous permet de cerner au plus près l’ancêtre en question et rien n’empêche le ressenti présenté comme tel.

Il ne s’agit pas de déformer, de tricher ou d’inventer une vie, mais simplement de tenter, en collant au plus près de la réalité, d’approcher celui ou celle qui se trouve derrière l’image de papier jauni ou le document. Sur une photo je peux découvrir de beaux yeux, mais que me dit le regard ? L’exercice est périlleux, l’imagination, le travestissement peuvent rapidement prendre la main. Tenir la bride et rester cohérent par rapport aux faits, il ne s’agit pas d’inventer ce qui n’empêche pas d’émettre des hypothèses. Pas question non plus de déconstruire à sa convenance pour faire joli.

Simplement le rencontrer pour qu’il me parle, qu’il me révèle qu’il me donne à penser et à voir la part de mystère ou la zone d’ombre même si celle-ci peut-être dérangeante. Plus simple peut-être lorsqu’il s’agit d’ancêtres que nous avons physiquement connus, encore que nous passons parfois à côté.

Et la rencontre alors peut devenir dialogue…. Une connexion s’établit, un pont se crée entre le passé et le présent, entre ce que nous sommes et ce que tous ces hommes et femmes ont été, ce qu’ils nous donnent et nous apprennent. Selon les découvertes et les sensibilités de chacun, nous en sortons parfois cabossés mais tellement plus riches.

C’est dans cet esprit que je vais à la rencontre de Hugh-Guion Mac Donell et ses diverses biographies encore une fois ne me donnent pas satisfaction. Je reprends mon bâton de pèlerin, sous quel angle puis-je parler de lui ? Car le raconter c’est aussi vous faire partager mes émotions lors cette rencontre, faire naître un intérêt, que vous n’y restiez pas indifférent. Souhaiter que son histoire vous fasse rebondir sur votre propre généalogie.

Le rencontrer c’est aussi le raconter, alors entrons dans son histoire…

Hugh-Guion ainsi prénommé. Il ne vous a pas échappé qu’il porte en premier le prénom de son père. Ce prénom sera également celui d’un autre frère, Hugh Robert Edward, décédé en bas âge avant sa naissance. Quant au deuxième prénom « Guion », qui serait d’origine française et dérivé de Guy, je ne le rencontre nulle part dans cette généalogie. Par ce choix, ses parents ont-ils voulu le singulariser ? Une référence au père, à un frère disparu mais une singularité pour que le poids du prénom soit moins lourd à porter. Mais ça, ce sont mes élucubrations !

 Et voilà que je divague… Vous vous souvenez certainement de ma rencontre avec « ce cher Alec » (ICI), j’imagine alors son frère Hugh-Guion paré des mêmes charmes. Douze années les séparent, Alexandre est né en 1820, son frère en 1832 à Florence (2). Le frère aîné est-il un modèle pour le cadet ? Hugh-Guion a cinq ans lorsque son frère Alexandre entre dans l’armée. A sa naissance, à Florence le 5 mars 1832, Hugh-Guion voit se pencher, de près ou de loin, sept sœurs sur son berceau. Trois demi-sœurs issues du premier mariage de son père et ses quatre sœurs. Deux sœurs le suivront en 1833 et 1834. Rien ne vaut un schéma.

HG
Descendance Hugh Mac Donell

A sa naissance son père à environ 72 ans et sa mère compte trente-deux printemps. La famille habite Casa di Annalena à Florence en Toscane. Une grande maison, le soleil, des rires, et des jeux d’enfants. Une enfance joyeuse et insouciante …. Jusque-là, je n’ai rencontré Hugh-Guion qu’au prisme de mon imagination et de quelques documents. Il me semble aisé d’aligner des mots et de remplir toutes les cases de sa vie, une enfance heureuse, une carrière militaire, comme son frère et le tour est joué !

Que nenni ! Je rencontre l’épouse d’Hugh-Guion, Anne Lumb qui rédige un recueil de souvenirs (1) pour amuser ses enfants et ses petits-enfants. C’est elle qui fortuitement m’en apprendra bien plus sur son époux que bien des biographies. Anne raconte, et dans ses premières pages, à propos de leur mariage elle écrit :

 « Hugh-Guion avait eu une enfance bien triste. Je priais pour qu’il soit plus heureux marié qu’il ne l’avait été auparavant« . Elle explique alors :

« A l’âge de neuf ans, (nous sommes en 1841), son père l’emmène, en diligence, de Florence à Paris. Ils passeront une nuit à Avignon et se rendent à Paris chez Emilie Claire, une des sœurs de Hugh-Guion, épouse d’Alexandre Marie Jean Manuel Aguado. La semaine suivante, Hugh-Guion est placé dans une école rue Pépinière à Paris« . (Je n’ai pas trouvé de trace quant à cette école, ou le peu que j’ai trouvé n’est pas suffisamment fiable pour en dire plus). Le souvenir qu’en garde Hugh-Guion, relaté par son épouse, me fait frémir !

« La nourriture y était abominable : une énorme tasse de café et une grande tranche de pain sec pour le petit-déjeuner ; du bouilli (sorte de pot au feu), un bol de soupe avec du pain à 19 heures pour terminer la journée ». Mais le pire n’est pas là !

« Il n’y avait ni jeu, ni récréation d’aucune sorte et une punition cruelle baptisée « la sellette ». Lorsqu’un devoir était mal réalisé ou mal écrit, son auteur était puni et le pauvre enfant enfermé dans une sorte de guérite, assis sur un tabouret en forme de selle devant une table en demi-lune, bloquée par un ressort. Il ne pouvait ni bouger ni en sortir jusqu’à ce qu’un surveillant le délivre.

Il avait essayé d’exprimer son désespoir et il avait prié jours et nuits pour que son père vienne le chercher. En vain, il passa un an dans cet établissement« .

« Hugh-Guion est ensuite envoyé à Genève auprès du Révérend O’HARA, qui deviendra par la suite aumônier des Armées britanniques. Et ce, sur les recommandations de Sir Georges Brown, époux de sa demi-sœur Maria (ICI)« . (Aucun élément fiable concernant le Révérend O’HARA pour pouvoir en dire plus).

A douze ans (1844), Hugh-Guion intègre l’Académie Royale Militaire de Sandhurst, école de formation des élèves-officiers de l’armée britannique. Comme son nom l’indique, elle est située à Sandhurst dans le Berkshire. Hugh-Guion sera militaire comme son frère Alexandre. A-t’il seulement choisi lui-même cette carrière ou compte tenu du contexte familial, cette voie était-elle toute tracée ? Je penche pour la deuxième hypothèse.

registre_sandhurst
Page registre de Sandhurst

Nous sommes effectivement bien loin de l’insouciance de l’enfance. Coupé du cocon familial et de son pays natal dès l’âge de neuf ans, pour intégrer un établissement scolaire dénué de chaleur et d’empathie. Sans compter l’usage de punitions inhumaines et traumatisantes pour un enfant, il va sans dire que cette période a certainement marqué Hugh-Guion. Si je n’avais pas lu ce qu’en relate Anne Lumb, je serais restée bien loin de cette réalité. A-t-il été envoyé en France pour apprendre notre langue ou simplement parce que sa sœur Emilie Claire y résidait, seul point de repère bienveillant pour l’enfant qu’il était. A travers documents et photographies, j’ai pu constater La pérennité des liens tissés entre Hugh-Guion et sa sœur tout au long de leur vie.

Son épouse poursuit son récit : « A seize ans (1848), il obtient un commandement. Il est envoyé au Cap (Afrique du Sud) en charge de 100 hommes. Ils partiront de Bristol et mettront trois mois pour arriver à destination, après avoir stationné quelque temps sur l’île de Sainte Hélène. Les troupes britanniques sont présentes en Afrique du sud lors des guerres Cafres. Là, il retrouve son frère Alexander Frederick capitaine du premier bataillon de la Rifle brigade, Hugh Guion est subalterne au sein du second bataillon. Alexander était supposé être le plus beau et le plus populaire homme de l’armée. Hugh Guion est très fier d’être le frère d’un des officiers.

Les deux seuls fils Mac Donell sont tous deux sur un théâtre de guerre avec tous les risques et les incertitudes que cela comporte. Angoisse et crainte pour la famille. A ces sentiments se mêle probablement l’acceptation d’un destin tracé au service de son pays pour ses enfants.

« Lors d’une opération, Hugh-Guion et ses hommes sont surpris par les Cafres, une sagaie transperce sa botte et se fiche dans son mollet. Un sergent tire la sagaie (probablement munie d’une flèche à barbillons) au lieu de la pousser, déchiquetant sa jambe. Hugh-Guion souffre le martyre mais parvient à regagner Ladysmith (ville d’Afrique du Sud). Dès sa convalescence, il fut rapatrié à Douvres avec son bataillon et se rétablit« .

« En 1852, Hugh-Guion eut l’honneur de monter la garde à Walmer Castle lors de la veillée funèbre de Lord Wellington, duc de Waterloo. Le commandant du détachement coupa une mèche de cheveux du duc qu’il partagea entre les officiers de service. Hugh-Guion conserva religieusement la sienne ».

« La guerre de Crimée se déclare en 1853, Hugh-Guion déjà handicapé par les séquelles de sa blessure est sujet à des fièvres rhumatismales sévères. Il n’est pas en capacité de partir en Crimée, c’en est fini de sa carrière militaire. La reine Victoria lui propose alors un poste d’attaché au Service Diplomatique, il réussit son concours, il est nommé à Florence en 1854 ».

Son épouse ajoute : « En regardant rétrospectivement la carrière de Hugh, il semble merveilleux de voir comment un évènement malheureux a modifié son destin. S’il n’avait pas été terriblement blessé lors de la guerre des Cafres, il n’aurait jamais été diplomate et nous ne nous serions jamais rencontrés. Il était fait pour cette profession : grand linguiste, un charme exceptionnel, et une volonté tenace ».

Hugh-Guion devient donc diplomate. Je ne peux m’empêcher de constater que son parcours est similaire à celui de son père ; l’armée puis le Corps diplomatique. Il ne mettra donc pas ses pas dans les pas de son frère.

Quarante-huit années hors d’Angleterre, en poste successivement dans dix pays. La diplomatie le conduira en 1854 à Florence, de 1858 à 1866 à Constantinople, en 1869 Il sera secrétaire de légation à Buenos Aires, 1872/1875 à Madrid, 1875/1878 secrétaire d’ambassade à Berlin, 1882 à Rome, 1882/1885 il sera chargé d’affaires à Munich, 1885/1888 Rio de Janeiro, 1888/1893 Copenhague, 1893/1902 Lisbonne. Il prendra sa retraite en 1902 et deviendra membre du Conseil privé du roi Edouard VII (Règne de 1901 à 1910) et sera décoré à plusieurs reprises. (3)

Hugh Guion MacDonell 1900

En 1869, Hugh-Guion Mac Donell alors premier secrétaire de la Légation anglaise en Argentine rencontre Anne Lumb, d’origine anglaise mais née à Buenos Aires où son père avait émigré. De son époux, elle dira : « Il était un merveilleux danseur, un excellent fusil et un cavalier émérite.…. » En 1870 ils se marient en l’église Saint John Church de Buenos Aires (4). Cinq enfants naissent de cette union :

  • Hugh Edward Edmund – Né le 21/04/1871 à Buenos Aires (5)
  • Frederick Donald – Né le 5 mars 1873 à Wallington – Surey – Angleterre (6)
  • Edgard Errol Napier – Né le 24 octobre 1874 à Wallington – Surey Angleterre (7)
  • Alister Maxwell – Né le 4 décembre 1880 à Hackbridge – Surey Angleterre (8)
  • Victoria Ida Elisabeth – Née le 21 janvier 1885 – Aucune trace de son lieu de naissance, peut-être Munich ou Rio de Janeiro. (9)

Après Madrid, Hugh-Guion et son épouse décident de donner une maison à leurs enfants plutôt que de les promener avec eux à travers le monde. Le couple fait l’acquisition d’un « pretty modern cottage » à Hackbridge dans le Surey. « C’était un lieu charmant nous y vécurent pendant sept ans ».

Hugh-Guion s’éteint le 25 janvier 1904 à Londres, deux ans après sa retraite, à l’âge de 72 ans (10). Son épouse lui survivra et décédera à Londres le 22 mars 1924 (11).

legaulois19_01_1904
Le Gaulois – janvier 1904

Son fils aîné Hugh Edward se donnera la mort en 1917 (ICI), Hugh-Guion, déjà disparu ne verra pas ce drame. Le second Frederick Donald sergent dans la guerre des boers (1899 -1902) disparaît sans laisser de traces, a-t’il rompu les liens avec sa famille ? Le mystère demeure… Quant au troisième fils, Edgard Errol Napier, il suivra le chemin de son père et sera diplomate. Le dernier fils embrasse la carrière militaire. Victoria Ida Elisabeth, célibataire décède sans postérité.

Est-ce ainsi que s’achève cette rencontre, un point final au bout d’une phrase pour clore le chapitre … Il n’y a plus rien à voir…

Il n’en est rien, le livre de nos ancêtres ne se referme pas, ces rencontres sont sans fin, et nous y revenons sans cesse, consciemment ou inconsciemment. Ces hommes et ces femmes nous accompagnent, cheminent à nos côtés éclairant le monde et ce que nous sommes.

 

SOURCES :

(1) « Reminiscences of diplomatic life; being stray memories of personalities and incidents connected with several European courts and also with life in South America fifty years ago » – Anne Lumb – 1913

(2)  Who Was Who, A & C Black, 1920–2014 – Oxford University Press, 2014)

(3) London gazette

(4) Archives of St John’s Anglican Cathedral, Marriages 1864 – 1872 Buenos Aires.

(5) Archives of St John’s Anglican Cathedral, Buenos Aires.

(6) England & Wales births 1837 – 2006 – Transcription – Findmypast

(7) Copie acte de naissance – Archive personnelle

(8) Carte « Royal aero club aviator’s certificates 1910 – 1950

(9) England & wales death registration – Index 1837 – 2007 – Family Search

(10) Will & probate Angleterre et Pays de Galles, 1858 à 1966 – 1973 à 1995

(11) Presse

 

 

 


6 réflexions sur “Le dernier fils, Hugh-Guion Mac Donell

  1. Je partage tes réflexions sur la rencontre avec nos ancêtres. Il est louable ce souci de ne pas mêler nos désirs à leur réalité qu’il faut respecter autant que possible.
    Bravo pour cette biographie joliment contée !

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  2. « Redonner à nos ancêtres l’épaisseur ou le souffle qu’ils méritent »… c’est exactement ce que tu as réussi à faire dans ce passionnant billet sur la vie d’Hugh-Guion !
    Quelle vie en tout cas ! Les mémoires de son épouse sont d’une richesse inestimable pour pouvoir prétendre à retracer une vie de la manière la plus « juste » possible.

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