A pitiful story

Comment vais-je pouvoir poursuivre mon précédent billet (ICI) ? Car, vous l’avez peut-être déjà compris à travers les lignes, il ne s’agit pas d’une suite, mais d’une terrible fin. Un sentiment de malaise me tenaille. Moi qui dénonçais les journalistes coupables de gros titres racoleurs, ne suis-je pas en train de faire la même chose en vous narrant cette histoire ?

Hélène, j’aurais tant aimé que ta vie soit douce…

Une vie que je résume en quelques faits, un mariage, un divorce, un mariage, un décès. Quatre faits, quatre actes pour te raconter et néanmoins suffisants pour mettre en lumière ta difficulté à vivre.

Hélène, j’aurais tant aimé écrire d’autres mots…

Avec ma manie de chercher ! Pourquoi ne t’ai-je pas laissée tranquillement dans les limbes du web au lieu de m’acharner ? J’ai ouvert la boite de Pandore !

Cela, parce qu’en effectuant des recherches sur Hugh Edward Edmund Mc Donell, je suis tombée sur ce bout de papier sur lequel était écrit :

« Se suicide au cours de la guerre 14-18 après avoir tué sa femme d’origine russe au cours d’une permission ».  On n’en savait pas plus, ou ne voulait-on pas en dire plus ?

Voilà mon point de départ, une pseudo légende familiale qu’il était nécessaire de vérifier. Alors j’ai cherché et j’ai vérifié. C’est ainsi que je l’ai rencontrée.

Hélène…

J’ai abordé ton premier époux Cyril Edgard Coggan (il se remariera à Londres en 1915)  et j’ai fait plus amplement connaissance avec ton deuxième époux Hugh Edward Edmund Mac Donell.

Hugh est né le 21 avril 1871 à Buenos Aires où son père est chargé d’affaires (1). Il fait ses études à Eton College jusqu’en 1889 (2). En 1896, il est nommé troisième secrétaire de l’Ambassade d’Angleterre à Paris, puis en août 1900 deuxième secrétaire (3).

Hélène et Hugh se marient à Londres, pendant le deuxième trimestre 1914, année de la première guerre mondiale (4). Son époux sert dans le « East Surrey Regiment » et devient capitaine du 3ème bataillon en août 1914 (5).  Il a 43 ans lors de la déclaration de la guerre, il est capitaine d’un bataillon de réserve qui n’est pas sur le front.

Comment ont-ils vécu leurs premières années de mariage ? Aucune trace pour répondre précisément à cette question. Les recensements anglais et autres documents demeurent muets.

Hélène, si tu me disais…

Encore une fois, et ce sera la dernière, les titres de presse se font forts de me donner des informations et les nouvelles sont tragiques…Comment vous dire ? Comment  écrire l’indicible ?

Vous raconter qu’Hélène et Hugh, se donnent la mort le 22 janvier 1917 à Plymouth, à l’Hôtel du Duc de Cornwall où ils résident depuis le 10 janvier 1917. On les trouve dans leur chambre, allongés sur leur lit, se tenant la main, Hugh en grand uniforme (6).

Des courriers expliquent leur profond désespoir, leur terrible lutte pour la vie. Aucune perspective heureuse ; mieux vaut s’en aller ensemble. Hugh Mac Donell révèle les tourments qu’endure son épouse à la santé mentale fragile.

Il écrit : « c’est mon dernier souhait d’être enterré aux côtés de ma femme chérie et que tous mes papiers soient détruits sans être ouverts. Mon épouse a deux bagues à sa main, s’il vous plaît, veillez à ce qu’elle les conserve  ».

Il s’avère qu’ils ont bu simultanément du cyanure de potassium et l’on conclut à un suicide pendant une crise de folie passagère.

Hélène laisse également un courrier, s’inquiétant de ce qu’il adviendra de son testament. Que fera la loi anglaise face à sa maladie, à son décès soudain et à celui de son époux ? Le geste est prémédité,  Hélène se sait malade.

Combien d’heures passées à discuter pour aboutir à la conclusion que la vie ne vaut plus la peine d’être vécue ? Dans quelle solitude se trouvent-ils pour mettre en œuvre une si terrible conclusion ? Peut-on imaginer une telle détresse ? Un si lourd secret ? Craignaient-ils d’être séparés par la maladie, ou par la carrière de Hugh ? Le contexte de la première guerre mondiale a-t-il joué dans cette décision ?

La coupure de presse écrira  : « Le capitaine Mac Donell était un homme talentueux, un linguiste reconnu et un officier efficace ». J’ajouterai qu’il était un homme follement épris de son épouse, probablement dès leur rencontre.

Est-il pour Hélène « l’homme de sa vie, son grand amour ? »  On peut le penser. Et l’on imagine alors mieux le cas de conscience qui fut le sien, sa lutte entre sa parole donnée lors de son premier mariage, et son sentiment pour Hugh Mac Donell. Son impuissance face à ce dilemme. Elle écrira à Cyril  Coggan « S’il vous plaît, ne pensez pas mal de moi ».

Une terrible souffrance, qui ne s’est jamais éteinte, exacerbée peut-être par son divorce en 1913 porté sur la place publique et accrue par le temps.

Elle avait 24 ans, il en avait 46 et ils s’en furent…. Oubliés de tous jusqu’à ce jour.

Hélène, Hugh….

Je n’ai plus de mots pour vous raconter, il ne me reste qu’une infinie tendresse, une infinie tristesse. Puissent mes mots ne pas vous blesser.

SOURCES :

(1) Baptisms at St John’s church (12) – 1870 to 1872 – St John’s archives – item 30-10-01

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(2) Britain scholl & University roll 1914 – 1918 – Findmypast

(3) The Morning Post – 06/05/1896

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(3) Genealogical Magazine – Vol. 4 – Mai 1900 – 04/1901

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(4) England & Wales marriages – 1837 – 2008 – FindmypastAM_PILLING_MACDONELL

(5) London Gazette – 1914

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(6) Mount Ida chronicle – Volume XLV – Issue 0 – 04/05/1917

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11 réflexions sur “A pitiful story

  1. C’est une triste histoire mais très joliment racontée. Quelle chance tout de même de pouvoir approfondir et confirmer une légende familiale. 🙂

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  2. A l’occasion du #RMNA du 1/03/2018 qui explique l’engagement de Hugh pendant la Grande Guerre, je relis ce récit qui m’émeut encore davantage que lors de la première lecture. Il auraient pu être beaux et heureux, mais ce couple est victime de cette terrible guerre, à n’en pas douter.

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