Catherine Louise Portier de Lantimo voit le jour le 14 décembre 1748 à Nantes, ondoyée le 16, elle est baptisée le lendemain de Noël, le 26 décembre à Saint Nicolas. Elle a pour parrain Ecuyer Pierre Rozée, conseiller et secrétaire du Roi et pour marraine Dame Louise Michel Portier de Lantimo, sœur de son père, épouse de Joseph Charrette seigneur de Briord. Dans cette famille, les parrains et les marraines ont pour la plupart des liens de parenté avec le baptisé.
Son père, Pierre Michel Portier de Lantimo, négociant et armateur est conseiller secrétaire du Roi, sera sous-maire de Nantes et juge en chef du Consulat. Il épouse en 1747 à Nantes Catherine Chancerel. L’enfant Catherine Louise est la deuxième enfant du couple, la première fille. Le couple aura onze enfants, sept filles et cinq garçons.
L’avenir de Catherine semble tout tracé, un beau mariage, une union convenable à tous points de vue. Ainsi que j’ai pu le constater, dans ces familles de grands négociants les mariages se font souvent dans la même chapelle. Les fortunes s’appuient les unes sur les autres, se développent et les mariages donnent lieu à de nouvelles associations d’affaires. Ils finissent par être presque tous apparentés.
Pour la première fille, ce ne sera pas tout à fait le cas. Son époux sera Jacques François le Méneust, âgé de trente ans lors des noces, il est enseigne de vaisseaux du Roi comme il est dit dans l’acte de mariage. L’union est célébrée le 18 avril 1669 à Nantes paroisse Saint Nicolas. Nous apprenons que son père Pierre Christophe de Méneust, chevalier seigneur des Treilles et de Bois Briand est conseiller du roi, président en la chambre des comptes de Bretagne et sa mère est Dame Marie Stapelton, famille de négociants d’origine irlandaise installée à Nantes après un passage à Saint-Domingue.
Jacques François le Méneust décède à Nantes le 11 juin 1769 à 32 ans, 2 mois après son mariage. A vingt et un ans, Catherine Louise est veuve sans enfant.
Après deux ans de veuvage, Catherine Louise épouse le 20 août 1771 à Nantes, paroisse Saint Nicolas Charles François de Charnières, lieutenant des vaisseaux du Roi. Le futur époux demande à René Aymar de Roquefeuil commandant la Marine et le port de Brest, une autorisation et un congé de trois mois pour se marier.
Ce dernier est promis à un brillant avenir, il sera cartographe, astronome, membre de l’Académie de Marine en 1769. Il est également l’inventeur du mégamètre, lunette astronomique permettant de mesurer en mer les distances angulaires de la lune aux étoiles. Il est l’auteur de plusieurs publications :
- Traité des évolutions navales, 1762,
- Mémoire sur l’observation des longitudes en mer, publié par ordre du roi, Paris, Imprimerie royale, 1767.
- Expériences sur les longitudes, faites à la mer en 1767 et 1768, publiées par ordre du roi, Paris, Imprimerie royale, 1768.
- Théorie et pratique des longitudes en mer, publiées par ordre du roi, Paris, Imprimerie royale, 1772
Ses états de services se trouvent également aux archives nationales :
De son union avec Catherine Louise sont issus quatre enfants :
- Catherine Zacharie Renée née le 25 juin 1772 à Nantes.
- Charles né le 23 septembre 1775 à Nueil-Sur-Layon, département du Maine et Loire.
- Françoise Sophie née le 7 février 1778 à Nueil-sur-Layon.
- Céleste née le 15 mai 1779 à Nantes.
La santé de Monsieur de Charnières n’est pas bonne. En 1776, il demande un congé de six mois, pour se rétablir. Il indique que son médecin lui recommande de s’éloigner de la mer. Peu d’espoir de guérison, Monsieur de Charnières demande sa retraite, qui lui est accordée avec une pension de 800 livres. En 1779, après quatre ans d’inactivité, jugeant que sa santé s’améliore, il demande à reprendre du service.
Charles François reprend la mer. Un an après la naissance de son dernier enfant, il décède en mer le 11 février 1780 à bord de l’Indien. Catherine Louise, âgée de 32 ans est veuve et ses enfants ont respectivement huit ans, cinq ans, deux ans et neuf mois.
Catherine Louise sollicite le paiement de 400 livres dues à son mari au nom de ses enfants. Elle touchera 1000 livres de rente sur le trésor royal en considération des services de feu son mari, ci-devant capitaine de vaisseau.
Pension accordée à Catherine Louise Portier de Lantimo – Archives nationales – Fonds marine – dossier individuel – de Charnières – dossier 18 – MAR/C/7/61
Le 27 juillet 1790, un an après la prise de la Bastille, sa fille aînée Catherine Zacharie Renée s’unie à Eustache Abraham Carrefour de la Pelouze, officier des carabiniers. Le mariage est célébré à Neuil-sur-Layon. L’époux est fils de Camille Abraham Carrefour de la Pelouze, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint Louis, ancien chef de brigade au corps royal d’artillerie et de dame Thérèse Foucault, apparentée à la famille Portier de Lantimo.
Le couple donne naissance à une fille Catherine Adèle baptisée à Saumur le 12 mars 1792. Elle a pour parrain son grand-père Camille Abraham de La Pelouze et pour marraine Catherine Chancerel, arrière-grand-mère de l’enfant. Sur l’acte de baptême figurent les signatures de son grand-père Abraham Carrefour de La Pelouze, sa grand-mère maternelle Portier de Charnières, sa grand-mère maternelle Foucault de La Pelouse, une tante Sophie de Charnières et l’épouse d’un oncle paternel de La Pelouze de Staal. Aucune signature du père probablement absent, rien n’est précisé, on ne sait pas où se trouve le père….
Avant d’aller plus loin et pour ne pas vous perdre, un schéma des ascendants de Catherine Adèle Carrefour de la Pelouze.
Ascendance Catherine Adèle Carrefour de la Pelouze
La tourmente est là… Le père, Camille Abraham Carrefour de La Pelouze, s’est retiré sur ses terres au château de la Tremblaye (Meigné-sous-Doué). Il passe l’hiver à Saumur. En mars 1789, il fut élu secrétaire de l’assemblée de la noblesse du Saumurois. En mars 1793, le Comité de Sûreté générale le fit consigner en sa maison pour « incivisme ». La prise de Saumur par les Vendéens le libéra, il fut nommé gouverneur de la ville et du château, fit une proclamation royaliste et catholique. Il avait exercé les fonctions de lieutenant du roi pendant le séjour des vendéens à Saumur (1).
Il est incarcéré le 2 août 1793 à Tours puis renvoyé devant la Commission militaire de Saumur. Il comparaît le 28 août. Lors de son interrogatoire, on ne manque pas de lui poser quelques questions quant à son fils. Il fut condamné à mort et guillotiné le jour même à huit heures du soir, place de Bilange. Son acte d’inhumation daté du 28/09/1793 est rédigé sur les registres de la commune de Saumur. Ses biens sont confisqués (1).
Son fils Eustache Abraham, cité dans les Mémoires de Madame la marquise de La Rochejaquelein (2), prit part aux combats de l’armée vendéenne avant et après le passage de la Loire, jusquà la bataille du Mans et la défaite de Savenay. Il rejoint en Angleterre un corps d’armée composé d’émigrés et de volontaire et retrouve à Southampton deux frères de son père et retourne en combattre France. En 1796 il se trouve à Doulon et participe à la pacification du pays. Par précaution, Il prend soin de faire en sorte que son nom ne figure sur aucune liste d’émigrés et se fait délivrer des certificats de résidence (1). Un dossier le concernant se trouve aux Archives nationales mais il n’est pas numérisé à ce jour.
Sa mère, Thérèse Foucault, sa femme Catherine Zacharie Renée et sa fille Catherine Adèle sont toujours à Saumur. Femme et belle-fille d’un condamné à mort, mère et épouse d’un émigré et insurgé, elles demeurent suspectes.
Catherine Louise Portier de Lantimo, belle-mère d‘Eustache Abraham, est arrêtée au titre de la loi des suspects le 24 octobre 1793 au motif de « belle-mère d’émigré ci-devant noble ». Elle est transportée d’abord à Tours, puis déportée à Bourges et meurt de maltraitance en prison le 10 pluviôse an 2 (29/01/1794). Son acte de décès se trouve dans les registres de Bourges (1).
Bourges – 1793 – 1794 – 3E 1170 – Décès janvier 1793 – Fructidor an II
Catherine Zacharie René et sa belle-mère Thérèse Foucault seront incarcérées à Amboise. Libérées, elles reviennent habiter Saumur qu’elles quittent pour gagner Orléans, ville à leurs yeux moins inhospitalière. Eustache Abraham de la Pelouze les y rejoindra et travaillera à la restitution des biens de la famille. Le cinq prairial an VI (22 mai 1798) verra la levée du sequestre sur les propriétés de Camille Abraham Carrefour de La Pelouze et la restitution de ses biens (1).
Thérèse Foucault décédera le 13/04/1830 à Meigné-sous-Doué (49), Catherine Zacharie Renée de Charnières la rejoindra le 13/04/1840 et Eustache Abraham s’éteindra le 21/01/1811 également à Meigné-sous-doué, sur les terres de la Tremblaye.
L’étude de Catherine Louise Portier de Lantimo, morte seule au fin fond d’une prison, m’a réservé bien des surprises… Après avoir cherché, juste par simple curiosité, à en savoir un peu plus sur son entourage et un billet plus loin, me voilà au coeur d’une famille, au coeur de l’histoire. Il m’a alors semblé intéressant de ne pas traiter chaque individu séparemment mais de les évoquer tous ensemble.
SOURCES
(1) Revue de l’Anjour – Janvier et février 1893 – Tome XXVI – Angers – Germain et G. Grassin, imprimeurs – libraires – 1893
(2) Gallica – Mémoires de Madame la marquise de la Rochejaquelein – p 178
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k292274/f190.image
Des recherches passionnantes et un très bel article. Un grand bravo !
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Merci Christelle, heureuse que ce billet te plaise, mais il est vrai que ces recherches furent passionanntes !
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Que de découvertes, fort bien documentées. J’apprécie la conclusion « au coeur d’une famille, au coeur de l’histoire »
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Merci Fanny, les sources furent diverses et relativement abondantes ce qui est toujours intéressant pour ce type billet.
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Waouh ! que de petits trésors retrouvés pour retracer cette histoire passionnante. Superbe saga, merci pour cette pause lecture.
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Merci pour votre lecture, votre commentaire et votre enthousiasme !
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Quel voyage ! C’est passionnant !
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Quelle époque cruelle ! C’est terrible de mourir à cause d’un gendre qui a prudemment émigré.
Cela m’évoque un récit que j’ai écrit dont l’héroïne est aussi une Catherine. Elle fut emprisonnée et guillotinée, car son fils avait émigré en Angleterre.
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Effectivement à cette époque troublée beaucoup d’histoires sont similaires, et nous avons tous dans nos généalogies. Merci pour ta lecture et ton petit mot.
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J’ignorais qu’il y eût autrefois de belles angevines mortes abandonnées dans les bas fonds des prisons de cette horrible ville de Bourges ! (Pardon ! Je m’emporte et m’émeut plus qu’il ne le faut et les mots débordent mes pensées, mais je ne peux m’empêcher de m’insurger contre le triste sort réservé à cette malheureuse Catherine !).
Encore une bien belle recherche ! (Et encore des personnages romanesques ! ) Merci de les faire revivre.
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Merci Françoise et merci pour ton commentaire. Je crois que la pauvre Catherine est bien heureuse d’être lue,…
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Quelle histoire, au coeur de l’Histoire. Il y a des fois où des recherches nous mènent dans des directions que l’on avait pas prévues, mais c’est pour le bonheur de tes lecteurs ! Bravo pour ton article si bien étayé !
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C’est effectivement la surprise et le plaisir des recherches toutes ces découvertes même si parfois elles sont terribles. Mais elles nous permettent au moins de mettre en lumières ces vies parfois terribles… Merci Sébastien
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Je suis toujours impressionné par ces billets d’une qualité d’écriture qui n’envie rien aux recherches poussées qui en ont permis la rédaction.
Ces visions généalogiques viennent percuter la « grande » histoire par la vision réelle et sûrement un peu moins « romancée » de l’histoire des familles.
Bravo pour ces articles si inspirants pour nous
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Merci beaucoup pour votre commentaire qui me touche particulièrement !
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