Jus soli ou jus sanguinis ?

La famille Mac Donell n’en finit pas de me faire traverser les frontières, franchir les océans, passer d’un lieu à un autre. Mon antique mappemonde est ainsi hérissée de petites épingles matérialisant différents lieux. J’aime l’idée parfois de ne pas toujours tout gérer avec un écran, mais rassurez-vous j’y viendrai.

A chaque fois qu’une petite épingle se fiche dans un lieu, il me vient toujours la même question : Mais de quelle nationalité est cet individu ?

Comme étude de cas, je prendrai la famille CONTE Y MAC DONELL et parce que quelques graphiques valent mieux qu’un long discours, ceux-ci illustreront mes propos.

Je demande donc le père et la mère :

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Le père d’Augusto Conte y Lerdo de Tejada est français, né à Monein (64). Il se nomme Pierre Joseph Auguste Conte, il émigre et se fixe à Cadix où il fait souche. L’origine de la famille Conte se situe à Navarrenx et Monein, communes du département des Pyrénées Atlantiques, anciennement département des Basses Pyrénées, au cœur du Béarn. Il n’est pas le seul béarnais à émigrer en Espagne, pas de raison connue pour expliquer ce départ, son père était notaire.

Ida Alexandrina Mac Donell épouse en 1850, à Florence Frédérique Kleinkauff, autrichien. Ce dernier décède en 1851. Leur mariage figure dans les actes d’état civil des sujets britanniques d’outre-mer et de l’étranger de 1627 à 1969. Bien qu’elle soit née en Italie, Ida Alexandrina est donc de nationalité britannique.

En 1853 à Florence, Ida devenue veuve et Augusto se marient. L’épouse prend-elle la nationalité espagnole à la suite de son mariage, Pas de réponse à cette question, je suppose cependant qu’elle restera britannique.

Entre les années 1854 et 1869, ils eurent 10 enfants nés en 5 villes différentes répartis sur 3 pays européens : l’Italie, l’Angleterre et le Danemark. Augusto Conte y Lerdo de Tejada est diplomate, il occupe successivement des fonctions dans chacun des pays.

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Les enfants nés en Italie sont-ils italiens (droit du sol) ou espagnols (droit du sang) ?

Les enfants nés au Danemark sont-ils danois (droit du sol), ou espagnols (droit du sang) ?

Les enfants nés à Londres sont-ils britanniques (droit du sol) ou espagnols (doit du sang) ?

Le droit du sang (jus sanguinis) attribue à l’enfant la nationalité de ses parents, quel que soit son lieu de naissance. Au 19ème siècle, dans la plupart des cas, l’enfant prend la nationalité du père. On considère que celui-ci est le chef de famille, son pouvoir et ses droits vis-à-vis des enfants sont plus fort ! Parfois, l’épouse en se mariant peut prendre la nationalité de son mari.

Le droit du sol (jus soli), attribue la nationalité a un individu né ou vivant sur un territoire donné avec ou sans condition supplémentaire. Peuvent parfois coexister le droit du sol et le droit du sang.

Quels étaient les critères en vigueur pour l’obtention de certaines nationalités  dans les pays de naissance et de résidence de la famille Conte y Mac Donell ? Mes recherches restent fragmentaires ou infructueuses pour la période et les pays concernés.

En l’état, je fais des suppositions et je n’affirme rien, n’ayant pas d’élément supplémentaire.

Sur ces dix enfants, deux décèdent avant l’âge adulte : Ida Conte y Mac Donell à Copenhague (1869 – 1869) et Luisa Conte y Mac Donell à Londres (1860 – 1874).

Sur les 8 enfants vivants, 5 se marient :

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Marie Isabelle Conte y Mac Donell et Margarita Conte y Mac Donell épousent successivement, à Florence, le même homme Michel de Southoff né en 1847 à Saint-Pétersbourg, sujet russe comme il est indiqué sur le contrat de mariage de leur sœur Carmen . Maria Isabelle et son époux s’établissent en Italie, berceau de leurs enfants.

Sont-elles italiennes ou britanniques ? Deviennent-elles russes après leur mariage ?

Carmen Conte y Mac Donell, mon arrière-grand-mère née à Copenhague, épouse, à Florence Pierre des Mazis, devient-elle française après son mariage retranscrit dans l’état civil parisien ? Aucun document ne me permet de l’affirmer. Ils s’établissent en France, leurs enfants y naissent.

Francisco Conte y Mac Donell voyage et se rend en Argentine, il épouse à Buenos Aires en 1895 Maria Carlotta Calatayud née en Uruguay. Il s’établit en Argentine et y fait souche. Bien qu’il soit né au Danemark, est-il né espagnol pour mourir argentin ? Réponse venue du Chili : il reste espagnol. 

Augusto Conté y Mac Donell né à Londres, se marie à Cadix en 1900 avec Maria Lacave y Rabago espagnole quant à elle. Il s’établit en Espagne et y fait souche. Né sur le sol anglais, il est et reste espagnol.

Ida Alexandrina et son époux s’établiront par la suite à Florence et y décéderont tous deux.

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3 enfants ne se marient pas :

  • Ida Giovacchina Conte y Mac Donell, née à Turin, s’établit à Florence et y décède en 1921.
  • Pedro Conte y Mac Donell, né à Londres, s’établit à Florence et y décède en 1929.
  • Emilia Conte y Mac Donell née à Londres, s’établit à Florence et décède à Bordighera (Italie) en 1941.

Ont-ils la nationalité espagnole de leur père ?

Emilia Conte y Mac Donell m’apportera la réponse, son certificat de décès émanant de la commune de Bordighera (Italie) la nomme Emilia Conte et  mentionne :

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Certificat de décès – Bordighera – Transmis par F. Conte McDonell
  • Citoyenne espagnole
  • Résidente à Florence
  • Née à Londres

De là, il n’y a qu’un pas à penser que les enfants nés en Italie avaient la nationalité espagnole, acquise par le droit du sang « jus sanguinis ».

La publication de ce billet m’apporte des réponses venues du Chili ! Francisco Conte Mac Donell me confirme que selon la loi en vigueur en Espagne, tous les enfants sont de nationalité espagnole, d’autant qu’ils sont nés d’un père diplomate au service de la Couronne espagnole. Leur mariage n’y change rien. 

On constatera également que tous les enfants portent le nom de famille du père (Conte) suivi de y (et) suivi du nom de famille de la mère (Mac Donell). Le Y n’est pas toujours utilisé, les deux noms de famille sont parfois juste accolés. Ainsi lors des générations suivantes perdure le patronyme du père tandis que disparaît le nom de famille de la mère. Cette construction est utilisée en Argentine et en Espagne. En 1999 et 2017, l’Espagne a fait évoluer la législation (ICI).

En France et en Italie, il  ne subsiste que le patronyme du père. Les pierres tombales et les décès des enfants Conte Y Mac Donell enregistrés dans l’Etat civil ne mentionnent que le seul nom de famille du père.

Les documents tels que contrat de mariage, acte de décès de mon arrière-grand-mère Carmen, ne mentionnent que le nom de son père « Conte ».

Mais me direz-vous pourquoi s’intéresser à ces questions de nationalité ? En premier lieu car les événements liés à cette famille ou d’autres interviennent dans différents pays et la question se pose alors d’elle même attisant ma curiosité. Ensuite, parce que répondre à ces interrogations me permet d’orienter mes recherches. Pour exemple, savoir qu’Ida Alexandrina Mac Donell  conserve la nationalité britannique me permet de chercher les éléments la concernant dans les actes d’état civil des sujets britanniques d’outre-mer et de l’étranger de 1627 à 1969. Enfin, vous trouverez peut-être un intérêt à partager mon cheminement.

Cela dit, le sujet reste complexe et je m’interroge encore. Qu’en est-il d’éventuelles demandes de naturalisation des uns et des autres, ici ou là ? Qu’en est-il du sentiment et du souhait de chacun, citoyen du monde avant l’heure ?

Je remercie Les Chroniques du Temps (ICI) sans qui ce billet n’aurait pas pris forme.

 

Sources :

herodote.net

https://www.herodote.net/Droit_du_sol_droit_du_sang-synthese-2142.php

Le guichet du savoir

http://www.guichetdusavoir.org/viewtopic.php?t=13165

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


5 réflexions sur “Jus soli ou jus sanguinis ?

  1. Bravo pour ce billet, autant pour la mise en forme que pour le fond. Les questions de nationalité m’interpellent aussi, même si mon arbre est nettement moins international que le votre 🙂 J’en suis presque jalouse.
    Une petite précision, si cela peut vous aider : une femme en France au 19è siècle et au début du 20è prenait la nationalité de son mari. Le grand oncle de mon mari était suisse, quand il a épousé une française à Paris, elle a perdu sa nationalité française. Quand il a obtenu de reprendre la nationalité française, perdue par son père à colmar en 1871, sa femme a pu aussi demander à être réintégrée dans la nationalité française.

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    1. Merci Brigitte, en effet ces questions de nationalité piquent ma curiosité même si elles demeurent parfois sans réponse. Difficile de trouver précisément les législations en vigueur pour chaque pays concerné au 19ème et début 20ème. Pour mon AGM, je n’ai pas de réponse n’ayant malheureusement aucun document précis, elle est décédée en 1959, je pense que les listes électorales à partir de 1945 pourraient m’apporter la réponse. Le sujet est vaste, il me reste encore des recherches à effectuer et ce n’est pas pour me déplaire !

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  2. Le droit international est une affaire extrêmement complexe.

    La première chose qu’il faut avoir à l’esprit, c’est qu’il ne faut pas se baser sur les législations actuelles pour déterminer une nationalité du passé.

    Ensuite la loi d’un pays à une époque n’est pas celle d’un autre pays à la même époque. En outre, à l’intérieur d’un même pays, sa législation peut fluctuer considérablement sur une certaine période de temps.

    Pour chaque naissance, dans un pays, cela nécessite de connaître la législation de l’État à ce moment., car il peut y avoir de nombreuses variations sur quelques années.

    De mémoire, en France, avant la dernière guerre, une Française qui épousait un étranger perdait la nationalité française et avait, pour la France automatiquement la nationalité du mari….ce qui ne veut pas dire que la législation du mari considérait qu’elle avait pris la nationalité de son sujet ! Au décès du mari, elle ne reprenait pas sa nationalité française. Elle devait faire une demande de réintégration dans la nationalité française. Actuellement la Française qui épouse un étranger ne perd plus sa nationalité, mais le fait pour un(e) étranger(ère) d’épouser un(e) Français(e) ne lui fait pas obtenir la nationalité française.

    Actuellement en France, on peut dire que c’était plutôt le droit du sol qui l’emporte. Quand un enfant de Français naît à l’étranger, pour avoir un certificat de nationalité, il devra fournir la preuve que ses parents sont bien Français, notamment en démontrant qu’ils sont nés en France (cas le plus simple).

    Si vous prenez l’Allemagne, c’est plutôt le droit du sang qui l’emporte dans sa législation. On a vu le cas, notamment lors de la chute de l’Empire soviétique et de ses satellites que des descendants d’Allemands qui s’étaient établis depuis des siècles en Roumanie ou autres pays de l’Est ont pu obtenir la nationalité allemande

    Chaque pays ayant sa façon de voir les choses, c’est un sacré casse tête, d’autant que certains pays ont eu des législations qui ont été favorables à un moment au doirt du sol, puis du sang ou inversement.

    Dans les journaux, il a été évoqué récemment le cas d’enfants nés en France d’une mère française et d’un père d’origine turc. Le père a emmené les enfants en Turquie et les enfants sont sequestrés en Turquie. Pour la France, les enfants sont bien français, mais les Turcs considèrent, me semble-t-il, qu’ils ont la nationalité de leur père, d’autant que celui-ci est musulman, etc…La mère ne peut les voir, n’arrive pas à les faire revenir…..

    Bon courage, pour examiner la législation des pays au moment de chaque naissance afin de déterminer la nationalité que chaque enfant avait alors !

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    1. Effectivement ce sujet est un véritable casse-tête, mais fort intéressant. Si le web ne me donne pas toute les réponses, certains descendants de cette famille apportent leur pierre à l’édifice et c’est déjà beaucoup ! Merci pour votre lecture, votre commentaire et vos encouragements.

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