L’ouvrière de la dernière heure…

#RDVAncestral – décembre 2017

Henriette Marie Mac Donell, dont les parents sont Hugues Mac Donell et Ida Louise Ulrich vient elle-même à ma rencontre et de façon tout à fait fortuite. Bien sûr, comme pour chacun de ses frères et sœurs, j’écume la toile à la recherche du moindre indice. La famille domiciliée en Italie, ne me facilite pas la tâche ! Il est pourtant hors de question que j’élude Henriette, cela ne se peut pas !

Alors… petit miracle….. Je trouve sur la toile quelques feuillets, quelques notes dictées par Mère Henriette Marie Mac Donell, et c’est ainsi que je la rencontre. Je ne sais pas de quel ouvrage est tiré cet extrait, rédigé en français et je suis incapable aujourd’hui de retrouver ce document (1). Heureusement, j’ai conservé une copie de ces notes.

Pour ce rendez-vous, je n’en ferai pas plus, simplement retranscrire ses mots, la laisser relater les circonstances de sa conversion à la religion catholique et son engagement auprès des Soeurs du Sacré-Coeur fondé par Madeleine-Sophie Barat (ICI). Ces mots sont les siens et je n’y ajouterai rien ; alors écoutons-la raconter…

« Je suis née à Livourne, en Toscane, le 29 juillet 1828. Petite fille, j’étais très heureuse, mais pas gâtée du tout : je souffrais de violents maux de tête, ce qui m’empêchais de bien profiter des leçons que l’on nous donnait dans une école protestante, tenue par la veuve d’un général. Là la religion était une chose secondaire, tandis qu’à la maison mes parents tenaient à ce que leurs enfants fussent de bon protestants.

Deux de mes sœurs se firent catholiques avant moi. L’une Isabelle de Belcastel (ICI), est morte à 25 ans : j’assistai à Florence à ses derniers moments, qui furent très édifiants. Le Révérend Père qui l’assistait me suivit, après sa mort, dans la chambre voisine et me dit : « Voyez comment meurent les catholiques ; vous y viendrez aussi.» Je répondis : « jamais ». Mon beau-frère consentit à nous laisser les deux petites filles de ma pauvre sœur, à la condition que non seulement elles seraient élevées dans la religion catholique mais même qu’elles ne s’apercevraient jamais que ma mère et moi n’étions pas catholiques. Cette condition fut rigoureusement observée et cela pendant six ans. Nous les accompagnions donc à l’église, nous leur apprenions le Catéchisme et les prières. Souvent, il m’arrivait, après leur avoir fait dire leur Ave Maria de le répéter pour mon propre compte, de sorte que je reste persuadée que c’est à la Sainte Vierge que je dois ma conversion.

Déjà, je ne pouvais plus aller à l’église protestante, tout en n’ayant pas l’idée de me faire catholique. Une autre de mes sœurs, convertie aussi, et qui avait épousé Monsieur Conte, un espagnol, habitait dans la maison voisine de la nôtre et mon beau-frère essayait de me persuader que je devais commencer à approfondir la religion catholique, d’autant plus que cela ne m’engagerait à rien. J’avais 26 ans alors et cédai à ses instances à condition qu’on me laissât tranquille dès l’instant que je ne voudrais plus continuer. J’allais donc auprès d’un prêtre trois fois par semaine et il m’expliquait le Catéchisme ; c’était pendant le mois de mai. Sans beaucoup approfondir, sans même être persuadée, j’éprouvais l’intime conviction que je devais en arriver à être catholique. Je continuai ainsi jusqu’à la fin de juin ; alors je partis quelque temps pour Bologne avec ma mère et de là j’ai fixé le jour de mon abjuration, 29 juillet, anniversaire de ma naissance. J’eus encore une terrible lutte à soutenir avant de quitter Bologne. J’entrai, dans la cathédrale dédiée à la Très Sainte Vierge, et là se termina mon pénible combat.

En arrivant à Florence, j’étudiai mon acte d’abjuration, toujours aidé par ce prêtre qui avait assisté ma sœur de Belcastel. Le 29 juillet 1854, j’allai à la chapelle du vicaire général accompagné de mon frère (probablement Hugh Guion Mac Donell) et de mon beau-frère (probablement Augusto Conte) ; deux ou trois prêtres seuls assistaient au grand acte. Je fondis en larmes, tant l’émotion étant grande à la pensée de tout ce que j’avais à quitter par le cœur. Mais une fois la formule terminée, il me sembla que tout un passé d’erreur tombait à mes pieds, comme si c’eût été un manteau….

Depuis lors il ne m’est jamais venu un doute sur la foi, ni même une arrière-pensée. Je reçus le baptême sous condition, mais on me renvoya à quinze jours, pour ma première communion. Le 15 août donc, j’allai à l’église après m’être confessée à mon austère directeur et ce fut ma première Communion ; je ne l’ai renouvelée que le 8 septembre. D’ailleurs, le bon prêtre auquel je continuais à m’adresser ne me permettait la Communion que pour les grandes fêtes, sous prétexte que la conversion des protestants n’était souvent qu’un feu de paille !

Durant ce temps, le travail de la grâce avançait dans l’âme de ma mère ; je lui rendais compte de mes impressions et de mon bonheur, sans directement la pousser à la conversion. Au bout de deux ans elle voulut participer à mes joies et, dans la même chapelle où j’avais fait moi-même mon abjuration, elle la fit à son tour, reçut le Baptême, et je fus sa marraine. Le 25 mai suivant nous fûmes confirmées ensemble dans la chapelle de l’archevêché de Florence.

Depuis ma conversion, je n’ai plus pris part à aucune fête mondaine ; nos relations se bornèrent à un cercle choisi d’amis. Mon temps était partagé entre les soins à donner à ma mère, les œuvres de bienfaisance, la visite des pauvres à domicile.

Je commençai à penser qu’il serait possible que j’eusse la vocation. En 1870 j’en parlai à un Révérend Père qui me nomma le Sacré Cœur. Il m’indiqua la Visitation. Mais sur ces entrefaites ma mère se remaria : j’étais seule pour m’occuper de l’éducation de mes nièces, et ensuite pour soigner ma mère atteinte d’une maladie de cœur ; cela m’obligea à attendre pendant dix ans mon entrée. Ma mère mourut en 1880 après avoir héroïquement souffert ; quatre ans après cette mort, lorsque toutes les affaires de famille furent terminées, j’entrai à la Visitation de Rome, sans prévenir personne. Une fois là toutes les instances de la famille vinrent me presser de retourner dans le monde, mais je tins bon. Cependant, dès le lendemain de mon entrée je sentis que je n’étais pas dans ma voie : deux jours après j’en prévins la supérieure qui comprit tout, mais m’engagea à avoir patience. Cette impression ne fit que croitre, et malgré toutes les bontés des Mères et les combats que je livrais, j’en vins à conclure au départ, car je souffrais un vrai purgatoire. Les adieux furent pénibles de part et d’autre….. Le cardinal Parocchi et le confesseur prévinrent eux-mêmes ma décision, en me disant d’aller faire une retraite à la Villa Lante, où je me présentai le 14 septembre. Je n’y restai que jusqu’à la fin d’octobre, mais dès le premier moment je sentis que le bon Dieu me voulait là ; j’y goûtai une grande paix et depuis je n’ai jamais eu que de la reconnaissance… plus l’ombre d’un doute ! Notre Très Révérente Mère Lehon, après cet essai, m’envoya à la Ferrandière  (1) où j’arrivai le 31 octobre. Ma Révérente Mère Depret m’y reçut maternellement. Pendant ce temps ma famille me croyait encore à la Visitation ; mais au moment du passage de notre vénérée Mère Lehon à la Ferrandière, janvier 1885, me voyant si calme et si heureuse, elle m’autorisa à prendre l’habit le 2 février et à avertir ma famille, laquelle se réjouit grandement de me savoir au Sacré Cœur. »

ferrandiere_vuegenerale
La Ferrandière – Vue générale – RSCJ Lyon

Ici se terminent les notes dictées par notre bonne Mère Mac Donell.  Et le rédacteur ajoute :

Des vertus de sa vie religieuse nous avons reçu de tous côtés les plus édifiants témoignages où sont signalés surtout son esprit de prière, de pauvreté, de simplicité. Après ses vœux, prononcés à la Ferrandière le 2 février 1887 (59 ans), Mme Mac Donell fut envoyée à la fondation de Turin, comme maitresse de santé. Mais dans le champ ou s’exerça davantage le zèle de notre bonne Mère avant comme après sa profession, faite à la maison mère le 15 août 1802, ce fut la porterie (3). Elle y passa en faisant le bien.

Turin maison
Maison de Turin – RSCJ Lyon

Ce fut sous une dernière absolution et entourée de toutes ses Mères que notre Mère rendit son dernier soupir. « Trois mots peuvent résumer toute la vie de Mère Mac Donell», nous dit le Révérend Père : « simplicité, humilité, générosité  ! » Elle décède le 21 juin 1910 (82 ans).

Ouvrière de la dernière heure comme elle se nommait, elle a bien réparé le temps perdu… elle n’a cherché qu’à faire du bien et elle en a fait partout, à tout propos, à toutes les âmes avec lesquelles elle a eu un contact quelconque.

Sources et compléments

(1) Soeur Maryvonne Duclaux, Archiviste RSCJ Lyon, m’indique qu’il s’agit de notices écrites et publiées dans leurs « lettres annuelles » en 1908, 1909 et 1910.

(2) La Ferrandière, maison de noviciat et pensionnat. De cette propriété il ne reste plus rien,   La propriété se trouvait à Villeurbanne, un peu à l’est de la gare de la Part-Dieu. https://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau_de_la_Ferrandi%C3%A8re

(3) La fonction de portière était importante. C’était la personne chargée de l’accueil des visiteurs à la “porterie”, de prévenir la personne qu’ils souhaitaient rencontrer.


11 réflexions sur “L’ouvrière de la dernière heure…

  1. Je suis marquée par ce cheminement très détaillé pour une personne dévouée à ses proches et les autres ensuite.
    Je note l’ influence des proches et du clergé…
    C’est une belle personne, en tout cas.

    J’aime

  2. Quelle pépite Nath que ce récit détaillé d’une conversion de la plume même de celle qui l’a vécue !
    Je me demandais si le beau-frère Augusto Conte évoqué dans le texte n’était pas celui qui a laissé ses mémoires en espagnol dans le bureau de ton père ? Peut-être en parle-t-il ?

    J’aime

Laisser un commentaire