Les petits cailloux de Lady Maria

Certains individus, plus que d’autres, disparaissent, se cachent ou se volatilisent. Faut-il le mériter pour découvrir quelques bribes de leur passé ?

A croire qu’ils prennent un malin plaisir à jouer avec nous. Mais la généalogie n’est pas un jeu, même si parfois, j’ai l’impression de participer à un immense jeu de piste.

Ainsi Maria, je suis à l’affût des petits cailloux blancs que tu as disséminés çà et là et qui me mèneront jusqu’à toi. Petits cailloux, petits indices devenant parfois épines dans ma chaussure; ils m’irritent et me chagrinent.

Tes prénoms, des petits cailloux qui grattent. Tu me caches ton identité. Je sais que tu existes, mais comment te chercher, on t’affuble de tant de prénoms ? Marie, Mary, Marie Boaz ? Tu te nommes réellement Maria Bowes Mac Donell, je me fie à ton testament et à celui de ton époux (6).

Viennent les cailloux de la discorde ! Le premier, ton acte de décès (1) rédigé à Paris en 1866 , te donne cinquante-trois ans, tu es donc née en 1813, à Alger en Afrique comme il est précisé. Information plausible, ton père, Hugh Mac Donell est en poste à Alger depuis 1811. Jusque-là tout va bien !

Le second petit caillou, un recensement de 1851 en Angleterre, te donne quarante-et-un ans (2), tu vois le jour non plus en 1813 mais en 1810 ! Ton lieu de naissance n’est plus Alger mais Gibraltar ! Plausible également, ta famille se trouve à Gibraltar entre 1805 et 1811.

Alors ? Que faire de ces deux petits cailloux ? Cette  généalogie  semble se bâtir sur des sables mouvants ! Pas de troisième petit cailloux qui me permettrait de pencher d’un côté ou de l’autre. Toutefois, les éléments portés sur le recensement me semblent plus sérieux. Citoyenne britannique, les informations collectées à ton domicile ne sont pas sorties du chapeau. Si ton âge peut faire l’objet d’imprécision, ton lieu de naissance ne peut pas être inventé. De plus, ton décès à Paris, est relaté par deux témoins qui ne sont pas membres de ta famille. Ta mère est déclarée « inconnue » et ton second patronyme « Boaz » est retranscrit, je suppose, phonétiquement.

Sujet britannique, née à Gibraltar, tu décèdes dans notre capitale. Inévitablement je me demande pourquoi ? En juin de cette année-là, la fille de ta demi-sœur Emilie Claire qui réside en France se marie dans le huitième arrondissement. Témoin à ce mariage, ton demi-frère Hugh Guion Mac Donell, secrétaire d’ambassade, est domicilié à Paris (3).

Peut-être as-tu profité du mariage de ta nièce pour passer quelques mois en France, entourée de ta famille ? La vie était-elle trop triste en Angleterre ? En effet, le 27 août 1865 (4), décède ton conjoint Sir George BROWN, épousé le 7 juillet 1827 à Florence. Anglicans tous deux, je ne retrouve pas ce mariage dans les registres italiens de Florence, mais il figure sur le site Family Search (5). Un petit caillou précieux mais incomplet.

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George Brown –  Photographie de Roger Fenton – 1855

Un autre petit caillou conservé dans mes tablettes : vous figurez tous deux comme témoins lors du mariage de ta sœur Anne Catherine avec Robert Henry WYNYARD à Malte (ICI). George Brown, Lieutenant-Colonel de la Rifle Brigade est stationné à Malte en 1826. Tu es donc la troisième fille Mac Donell à épouser un militaire.

En ce qui concerne George Brown, les cailloux sont multiples ! Une carrière militaire dès son plus jeune âge, en Sicile en 1806 (Campagne de Calabre), à Copenhague en 1807 (Campagne de la Baltique), en Espagne en 1813 (Guerre de la péninsule). Jusqu’en 1854 il reste à Londres et occupe différents postes. Connu particulièrement pour ses succès lors de la guerre de Crimée (ICI), aux côtés de la coalition formée par les Français, l’Empire Ottoman et le Royaume de Sardaigne contre la Russie. Il est Grand-Croix de la Légion d’Honneur. Vous trouverez aisément sa biographie sur internet et (ICI) l’intégralité du dossier qui m’a été transmis par la Légion d’Honneur (ICI) . De mars 1860 à mars 1865, il est commandant en chef des forces britanniques en Irlande et vit à Dublin.

Mais point d’autres petits cailloux quant à Maria… Dans certaines biographies consacrées à son époux, elle n’est même pas citée ou si peu ! Maria à l’ombre des faits d’armes de son mari.

Maria Mac Donell et George Brown n’auront pas d’enfant. Lors de mes recherches et par deux fois, je trouverai l’existence d’une fille. Mais les éléments indiqués ne sont ni fiables, ni cohérents. Je ne retiens donc pas cette information. Enfin, les éléments portés sur leur testament me conduisent à penser qu’ils ne laissent pas de descendance. George Brown fera de son épouse son exécutrice testamentaire (6).

Le dernier petit caillou, me renseigne quant à lui sur les liens qui unissent les familles des trois sœurs, Anne-Catherine, Angelica, et Maria. Dans son testament, Maria laisse ses biens à sa sœur Angélica (6). Robert Henry Wynyard décédé en 1864 et époux d’Anne Catherine fera de George Brown son exécuteur testamentaire (6).

Subsiste une épine à l’issue de mes recherches : où Maria a-t’elle été inhumée ?   En Angleterre, en France ? Mes recherches à ce jour ne me donnent aucune réponse.

Maria la secrète n’a pas semé suffisamment de petits cailloux. Pas assez pour que mon imagination puisse écrire sa vie. Peut-être le voulait-elle ainsi. Il est des individus qu’il ne faut pas déranger. ..

NB

Indépendamment de la biographie de George Brown, je vous invite à visiter ce site (ICI). Vous y trouverez les remarquables photographies de Roger FENTON, pionnier de la photographie et premier reporter de guerre de l’histoire de la photographie. Une belle découverte !

SOURCES :

(1) Acte de décès Maria Bowes Mac Donell

ad_macdonell_marie_paris8_24_1_1866v15
Archives Paris – Décès 8ème – V4E921 – Vue 15

(2)

CENSUS1851
Recensement 1851 – Middlesex – Saint George – Hanover Square

(3) Acte de mariage Carmen Ida Maria Aguado – 2 juin 1866 – Paris 8ème – V3E/N8

(4) Presse et Biographies

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The Belfast News – Août 1865

(5) Mariage Maria Bowes Mac Donell et George Brown – Family Search

AM_MACDONELL_Marie&BROWNGeorges

(6) Probate Calendars of England & Wales 1858-1859 – 1864 pour R.H. Wynyard – 1865 pour George Brown – 1866 pour Maria Bowes Mac Donell.


10 réflexions sur “Les petits cailloux de Lady Maria

  1. Comme toujours, c’est très joliment écrit. Maria devait être présente au recensement, les informations y figurant devraient donc être plus proches de la vérité. Les recensements sont-ils signés par quelqu’un de la famille?

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  2. Les petits cailloux, c’est une jolie image que tu utilises à merveille. Le petit Poucet a tout de même bien avancé sur le chemin de Maria. Tu as récolté beaucoup d’informations pour écrire ce superbe billet.

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