Nos poilus et moi

soldats
Permissionnaires – Estampe – GALLICA

Ce texte a été écrit y il maintenant un peu plus d’un an. Un an après et plus de 1000 fiches indexées il garde pour moi tout son sens. j’ai toujours les mêmes sentiments. Ainsi, je vous le fais partager tel quel. 

Depuis une semaine, je participe à l’indexation collaborative des soldats de 1914-1918. Je ne fais pas de distinction ; j’indexe les Morts pour la France, les non-morts pour la France, les fusillés, les suicidés, les malades, ………….des hommes.

J’indexe les pères, les fils, les frères, les neveux, les cousins, les maris, les amants, les beaux-pères, les beaux-frères, les grands-pères, les gendres, les beaux-frères. J’indexe une immense chaîne de vies anéanties par cette guerre.

J’indexe des jeunes, des moins jeunes, des très jeunes, des vieux, des pas très vieux, des moins vieux…….

J’indexe des noms, des prénoms, des surnoms parfois.

J’indexe des lieux quelquefois familiers, des villes et des villages de France et hors de France.

J’index aussi des bateaux.

Et je lis “des genres de morts”

J’indexe alors que cette guerre m’était étrangère. Peu étudiée lors de ma scolarité pour ainsi dire zappée. De cette guerre, je n’avais qu’une anecdote : mon grand-père, musicien en fonction en Alsace refusait de passer le Rhin pour aller jouer en Allemagne. Son frère, disparu au combat était mort à Calonne en juin 1915. Mais on n’en parlait pas, j’imagine que l’évoquer ravivait sa douleur. (Un article lui sera consacré ultérieurement)

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Registre matricules – Archives Départementales de Loire-Atlantique

J’ai passé des heures à lire des ouvrages sur les guerres de Vendée mais sur la première guerre mondiale peu de lectures si ce n’est La chambre des officiers de DUPEYRON.

Comme tout le monde je savais que cette guerre était une immense boucherie et je m’en tenais, en quelque sorte, très éloignée.

Puis vint l’indexation. Devant l’ordinateur, au chaud, un thé à portée de main, un fond sonore agréable et allons-y indexons !

Viennent les lieux inconnus ; comme on veut bien faire les choses, c’est sérieux l’indexation, alors on fouille, on cherche et on trouve…. Des journaux de marche, des récits, des reconstitutions, des photos, des documents plus parlants les uns que les autres et le ciel nous tombe alors sur la tête !

L’horreur dans l’horreur, l’indicible. Alors on imagine cette cohorte de soldats, on les voit, on se fait nos films. Mais leurs sentiments, leurs émotions, leurs pensées nous échappent, l’imagination à ses limites.

Ils sont pour certains morts loin de chez eux. Ce fut parfois leur premier voyage en terre étrangère et ce fut le dernier. Certains sont nés sur d’autres continents pour venir mourir en France. Ils font tous partie de ces innombrables soldats matriculés, enregistrés au cours de ce conflit.

Et à chaque fiche, on prend la mesure, un + un + un + un…..  Le plus terrible ? Est-ce le nombre, la liste semble sans fin. Sommes-nous le seul pays à répertorier ainsi nos morts ? Je ne peux m’empêcher de penser à tous ces soldats qu’ils soient français ou qu’ils appartiennent aux pays adverses. Leurs pensées n’étaient probablement pas très éloignées.

Il ne faudrait pas devenir des stakhanovistes de l’indexation, chaque histoire, chaque homme à son importance, pas de hiérarchie dans ce malheur, ne passons pas à côté.

J’ai bien failli les laisser pour compte, merci à Mémoire des hommes, 1 jour 1 poilu et aux indexeurs qui non seulement les sortent de l’ombre mais se les approprient. Ils deviennent nos poilus et méritent bien ça.

Ne serait-il pas intéressant d’avoir en quelques lignes le témoignage ou le ressenti de chaque participant à cette action collective qu’est l’indexation ?

Pour en savoir plus :

1 jour – 1 Poilu

Mémoire des hommes


10 réflexions sur “Nos poilus et moi

  1. J’ai été obligé d’arrêter l’indexation : je ne supportais plus. Mon imagination complétait les lacunes de mes connaissances mais ce que je découvrais était toujours au delà. Et puis, je rencontrais de nombreux hommes que j’aurais pu connaître puisqu’ils ont connu mes grand-parents. Ils ne m’en ont pourtant jamais parlé et pourtant deux y ont été blessés. J’ai découvert cette période à travers mes cours d’histoire. Je l’ai même enseignée à mes élèves de CM2 en insistant sur ce qu’elle avait de terrible, comme on me l’avait appris. Mais c’était bien pire (« beaucoup plus pire » comme dirait ma petite fille). Depuis, j’ai visité les lieux que la nature s’empresse de cacher à toute vitesse à nos yeux pour que nous puissions oublier. Je n’oublierai plus. Jamais. Après un long arrêt de plusieurs semaines, j’ai repris l’indexation cette semaine à petites doses parce que je veux aller au bout de mon défi : terminer l’indexation des poilus de mon département natal. Ils le méritent bien : c’est grâce à eux que nous sommes là.

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    1. Effectivement, ils le méritent bien et c’est là l’essentiel. Il est certain que l’indexation peut « remuer » « perturber » mais ce n’est certainement rien à côté de leurs souffrances autant physiques que morales. Alors pour eux, continuons ce travail de mémoire.

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  2. Après avoir lu cet excellent billet, ta question m’interpelle. J’ai commencé à écrire quelques lignes sur mes poilus, et je pense que cela pourrait être le sujet d’un nouvel article de blog.
    En espérant que les généablogueurs seront nombreux à faire part de leur expérience d’indexeurs.

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  3. Bonjour et félicitations pour ce billet, que je partage entièrement.
    Pour ma part j’ai commencé dans l’autre sens, mes 2 gd pères ont fait cette guerre et en parlaient peu. Disposant des lettres d’un d’eux je les ai mis sur un blog, surtout pour ma famille (soeurs cousins et enfants )
    Quand j’ai découvert le programme #1J1P j’ai commencé par indexer mon village de naissance dans le Puy-de-Dôme, puis les villages voisins. Puis le village de naissance de mon autre gd père et ses voisins. Et les taches vertes se sont rejointes. Je ne sais pas jusqu’où j’irai mais chaque indexation est une secousse, pour moi ce ne sont pas que des numéros matricules. J’imagine ces gens, leur jeunesse, les familles, les drames, peut-être à cause des lettres de ma famille.
    Voilà, j’avais juste envie de partager. Merci encore pour ce billet 😀

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  4. Merci beaucoup pour ce texte, je n’indexe pas mais me suis lancée dans une aventure qui ne vaut pas celle des Poilus mais qui crée des sensations rejoignant les votres. Sur mon blog je tente, à travers les cartes postales envoyées par les hommes de ma famille, de retracer leur parcours, leur histoire pendant cette période. Je lis les journaux de marches, les historiques, les forums etc. pour croiser les informations Régulièrement, je lache … insupportable mais j’y reviens toujours, je veux y arriver. Pour eux.

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